Aujourd'hui : "Il faut se décider"

Dans un paysage tourmenté et sombre, le peintre russe Marc Chagall s’est représenté en Janus. Ce Dieu romain a deux visages, un blanc et un vert. Pourquoi l'artiste, qui se définissait comme un "rêveur conscient", a-t-il choisi de se dédoubler dans cette peinture intitulée L’âme de la ville ?

En 1945, Chagall, partagé entre deux femmes, traverse une crise sentimentale. Il est en effet tiraillé entre le souvenir de Bella, décédée un an plus tôt et représentée ici dans un linceul blanc, et la blonde Virginia qu'il a récemment rencontrée. Il est terrorisé à l’idée d’oublier son amour de jeunesse.

Mais Chagall craint également de mettre de côté tous ses souvenirs d'enfance, de son village natal de Vitebsk, qu'on aperçoit en arrière-plan, à son identité juive, qui pourraient disparaître avec le souvenir de Bella.

L’arche d’Alliance, le chandelier ou la crucifixion du Christ rappellent en effet son appartenance à la communauté juive. Celle-ci a terriblement souffert lors de la Seconde Guerre Mondiale. En témoigne la ville fumante de Vitebsk, de laquelle des habitants fuient encore en traîneau.

Les formes ondulées, les contrastes de couleur saisissants et les symboles religieux sont ainsi les symptômes d’un peintre dans un moment charnière de sa vie. Il est déchiré.

Après avoir arrêté de peindre pendant neuf longs mois, il se représente, un pinceau serré entre ses doigts. L’artiste russe semble avoir ainsi repris ses esprits et avoir foi en l’avenir. Le coq que porte Virginia semble d'ailleurs déjà augurer de la paternité que retrouvera le peintre l’année suivante !

Pour en savoir plus :

Sur Marc Chagall

Décodage de quelques œuvres



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