"Pour ne pas se regarder le nombril, il faut en trouver un autre à contempler." Yannick Grannec Bonjour, 1407, Châlons-en-Champagne. Un riche bourgeois rend son dernier souffle. Dans son testament, il exige que soit réalisée une somptueuse statuette en argent doré, à remettre à l’église de la ville. En voilà un beau cadeau ! Collégiale Notre-Dame-en-Vaux de Châlons-en-Champagne, construite entre le 12e siècle et le 15e siècle, ici en 2006, photo : Thbz Il faut dire que cet objet va contenir quelque chose de plus précieux encore : une relique. Ces restes de personnages sacrés sont vénérés par les fidèles. Et l’église de Châlons n’a pas mis la main sur n’importe laquelle. Il s’agit du cordon ombilical du Christ ! Voilà pourquoi notre bourgeois commande une statue pour lui servir de reliquaire. Lorenzo Costa, Nativité, vers 1490, tempera sur bois, 62 x 82 cm, Musée des Beaux-Arts de Lyon On met le paquet pour réaliser une œuvre digne de son contenu. Fabriqué par des orfèvres parisiens, le reliquaire représente une Vierge à l’Enfant. Statue-reliquaire de l'ombilic du Christ, 1407, argent doré et verre, 18,9 x 33,4 cm, Musée de Cluny, Paris, photo : © RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Michel Urtado La statuette coule des jours heureux, du moins jusqu’en 1707. En effet, le culte des reliques est alors fortement contesté. L’évêque de Châlons décide de faire expertiser le cordon par un médecin. Celui-ci croque dedans et s’exclame : "C’est un corps sans odeur, ni saveur, dont je ne peux reconnaître la nature". Ce serait un faux ! Étienne-Jehandier Desrochers, Gaston-Jean-Baptiste-Louis de Noailles, Évêque et Comte de Châlons, Pair de France, 18e siècle, gravure, collection Boyer, photo : bibliothèque numérique du patrimoine de Clermont-Ferrand Au vu de ce diagnostic, l’évêque empoche sans scrupule le controversé cordon, et celui-ci disparaît. Dépourvu de son contenu, notre reliquaire n’a donc plus d’utilité... tant et si bien que l’église décide de s’en débarrasser. Le précieux objet atterrit au musée parisien de Cluny. Si elle n’est plus sacrée, la statuette reste une œuvre admirée. Comme quoi, pas besoin de relique pour briller ! Artiste anonyme, Le Goût, entre 1484 et 1500, tapisserie, 3,77 x 4,66 m, Musée de Cluny, photo : Didier Descouens " Pour ne pas se regarder le nombril, il faut en trouver un autre à contempler. " - Yannick Grannec - En un clic, dites-nous ce que vous en avez pensé Un avis ou une idée d’anecdote à nous partager ? Copyright © Artly Production SAS, Tous droits réservés. |