1937. Le jeune historien de l’art John Rewald, ému, monte dans l’ascenseur fatigué d’un immeuble parisien.

Il est attendu chez l’une de ses idoles, le critique d’art Félix Fénéon. Et l’appartement de ce dernier est aussi unique et exceptionnel que son hôte…

Car Fénéon ne fait pas qu’écrire sur l’art : il le collectionne. Son appartement déborde de tableaux et d’objets d’art !

Maximilien Luce, Félix Fénéon, 1901, huile sur toile, 45 x 39 cm, Musée d'Orsay, Paris, photo : © RMN - Grand Palais - Adrien Didierjean
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Rewald décrit l’endroit : "Les murs de l’entrée étaient tapissés de tableaux dont les cadres se touchaient presque. Une nature morte de Matisse, un Vuillard du début, des paysages de Bonnard et de Signac émergeaient de derrière un assortiment de sculptures africaines." Mêler art moderne et statues africaines ?
À l’époque, c’est tout à fait révolutionnaire !  

Fénéon est en effet l’un des tout premiers à se passionner pour les arts d’Afrique et d’Océanie. Ses contemporains considèrent alors ces arts comme "primitifs" et moins évolués que les œuvres occidentales.

Étrier de poulie de métier à tisser, XIXe siècle, bois dur poli, patine foncée, 23 x 6 x 8 cm, Côte d'Ivoire, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris, photo : © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain
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Fénéon n’est pas du tout de cet avis ! Il préfère le terme "arts lointains" et refuse de hiérarchiser ou de comparer arts occidentaux et extra-occidentaux.

La preuve chez lui, où les toiles de ses amis peintres disparaissent parfois derrière des sculptures du Gabon ou de Côte d’Ivoire…

À gauche : Georges Seurat, Poseuse de face, 1887, huile sur bois, 25 x 15 cm, Musée d'Orsay, Paris, photo : © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Adrien Didierjean
À droite : Fang Mabea, XIXe siècle, bois, 67 cm, Cameroun, collection particulière, photo : © Art Digital Studio / Damien Perronnet
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Son intérêt pour les "arts lointains" est aussi politique. Dans la revue qu'il dirige, Fénéon publie des articles d'auteurs dénonçant la colonisation et ses exactions. Pour lui, le meilleur moyen de démontrer la valeur de ces peuples colonisés est de mettre en lumière leurs arts.

Il va même jusqu’à rédiger une grande enquête sur ces arts extra-occidentaux, intitulée "Seront-ils admis au Louvre ?"
La question, trop audacieuse pour l’époque, ne trouvera de réponse que 75 ans plus tard…

Affiche de l’Exposition coloniale de Lyon, 1894, Musée des confluences, Lyon, photo © musée des Confluences
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Pour en savoir plus :

Cette enquête de Fénéon est l’un des textes fondateurs du musée du quai Branly - Jacques Chirac.

Il est donc tout naturel que le musée rende hommage à cet homme hors du commun ! Dandy génial, écrivain et journaliste à l'humour acéré, anarchiste à ses heures, Félix Fénéon (1861-1944) n'est pas qu'un collectionneur visionnaire !

Pour faire connaissance avec ce personnage de roman et découvrir son éblouissante collection, c'est jusqu'au 29 septembre.

Pour voir la bande-annonce de l'exposition Félix Fénéon (1861-1944) : les arts lointains (vidéo)
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