1710, Crémone, dans le Nord de l'Italie. Antonio Stradivari, un luthier extraordinairement doué, est en train d'achever la fabrication d'un violoncelle dans son atelier. Fait de bois d'épicéa et d'érable, il a, comme tous les instruments du maître, une sonorité magnifique. Stradivari ne se doute pas un instant des aventures que va vivre son violoncelle…

Edgar Bundy, Antonio Stradivari, 1893, peinture sur bois, 35,5 x 52 cm, collection privée
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Son premier propriétaire est un noble irlandais, Sir Robert Gore-Booth. On ne sait à vrai dire pas grand-chose de ce joueur amateur, hormis qu'il laisse son nom au violoncelle. Le "Gore-Booth", donc, passe ensuite entre les mains d'un collectionneur écossais, avant d'atterrir entre celles de la famille de banquiers Rothschild, à Vienne.

Antonio Stradivari, Violoncelle Gore-Booth, 1710, photo : Bibliothèque nationale de France, Paris, montage Artips Musique
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Ces derniers prêtent le précieux instrument à leur ami Gustav Bloch-Bauer, qui adore en jouer. Mais nous voilà en 1938 : l'Allemagne d'Hitler annexe l'Autriche. Les biens des familles juives sont immédiatement saisis. Les nazis, informés de la présence du "Stradivarius" des Rothschild, débarquent sans ménagement chez Gustav Bloch-Bauer et confisquent l'instrument. D'après la fille de Gustav, son père en a le cœur brisé. Il meurt deux mois plus tard.

Auteur inconnu, Gustav Bloch-Bauer jouant du violoncelle, vers 1935, photographie
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Ce n'est qu'en 1956 que la famille Rothschild récupère finalement le Gore-Booth, qui quitte alors l'Europe et part pour New York. Il change maintes et maintes fois de propriétaires, fait sans doute un petit détour par le Mexique, passe en vente aux enchères…

Alphonse Rothschild, 19^e siècle, deuxième baron Rothschild à posséder le violoncelle Gore-Booth en 1938, photographie, Bibliothèque nationale de France, Paris
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Finalement, il se retrouve chez le grand violoncelliste suisse Rocco Filippini. Le Gore-Booth, devenu son fidèle compagnon, le suit dans de nombreuses salles de concert du monde entier… jusqu'à Crémone !

Voilà comment, plus de trois siècles après sa naissance, l'instrument revient dans sa ville natale. Mais ce n'est sans doute pas la dernière étape de son voyage mouvementé…

Écouter Rocco Filippini interpréter la Suite No. 2 en D mineur pour violoncelle de J. S. Bach, 2000 (vidéo)