1906, Spitsberg, Arctique. Il est quatre heures du matin dans la baie Cross et la glace commence à fondre. Le Major Isachsen, scientifique polaire de l'expédition financée par le Prince Albert I^er de Monaco, vient d'ordonner de jeter l'ancre. Le brouillard se lève pour laisser place à un glacier majestueux. Enfin.

Anders Beer Wilse, Gunnar Isachsen, vers 1902-1903, photographie, Musée Folklorique Norvégien, Oslo
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Ils sont au cœur du Svalbard, l'archipel mythique des sagas scandinaves. Et à partir d'ici, il n'y a plus de carte... jusqu'à aujourd'hui ! Avec son compas, Isachsen commence à cartographier la baie, attendant la fin du brouillard pour déployer son arme secrète...

Banquise, Svalbard, 2022, photo : © Institut océanographique de Monaco
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Quelques dizaines de minutes plus tard, Isachsen s'affaire derrière un appareil photographique. Ses hommes ont repéré un sommet dont ils aimeraient connaître les dimensions : la hauteur, la largeur, mais aussi la profondeur. Mais comment des clichés en deux dimensions peuvent-ils renseigner sur cette dernière ?

Appareil photo ayant appartenu au Prince Albert Ier, semblable à celui qui était utilisé lors de ses expéditions, 1906, Collections du Musée océanographique de Monaco, photo : © Institut océanographique de Monaco / Frédéric Pacorel
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Eh bien, il suffit d'en prendre plusieurs ! Cette technique, la photogrammétrie, reproduit la vision stéréoscopique humaine.

Chaque œil crée en effet une image en deux dimensions, plate comme une photographie. Heureusement, nous avons - généralement - deux yeux qui produisent chacun une image légèrement décalée. En les combinant, le cerveau peut deviner la profondeur.

La maison se déplace de la distance d1 et le glacier de la distance d2. Illustration Artips Sciences
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Tentons une expérience : observez un objet lointain et placez un doigt devant vos yeux. Fermez un œil, puis l'autre en rouvrant le premier. Normalement, votre doigt a beaucoup plus bougé que l'objet, car plus un élément est proche, plus il se "déplace" entre les images des deux rétines… et c'est ce que calcule le cerveau !

Illustration Artips Sciences
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La photogrammétrie utilise ce même principe pour évaluer l’éloignement entre une montagne et un glacier par exemple. On prend d'abord plusieurs clichés depuis le navire en mouvement, puis on regarde un point situé sur le glacier : s'il se déplace peu d'un cliché à l'autre, c'est qu'il est très loin du bateau.

En comparaison avec la photo 1, sur la photo 2, le glacier a beaucoup bougé donc il n'est pas loin. En comparaison avec la photo 1, sur la photo 3, le glacier n'a pas beaucoup bougé donc il est loin. Illustration Artips Sciences
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En comparant avec un point sur la montagne, Isachsen peut calculer la distance entre les deux reliefs, ainsi que les dimensions de toute la baie Cross. Il ouvre ainsi la voie aux futurs explorateurs qui se servent encore au 21^e siècle des cartes de l’expédition Albert 1^er !

Albert I^er de Monaco, 20^e siècle, photographie colorisée, photo : © Institut océanographique de Monaco
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Pour en savoir plus :

Les expéditions polaires constituent l'une des plus grandes aventures humaines, et les récits d'explorateurs et de savants bravant le désert blanc ne manquent pas !

Vous pourrez découvrir les plus marquants dans la première partie de l'exposition Mission Polaire au Musée océanographique de Monaco. Consacrée à trente hommes et femmes qui ont fait avancer nos connaissances des pôles, elle présente notamment les expéditions du Prince Albert I^er au Spitsberg, mais aussi les campagnes de pionniers comme Jean-Baptiste Charcot ou de contemporains comme Jean-Louis Étienne. On met les voiles, direction les pôles ?

En savoir plus sur l'exposition