Où l’on découvre comment on a perdu un véritable trésor.
Felix Castello, Vue de l’Alcazar de Madrid, 1650, huile sur toile, Museo Municipal, Madrid
Madrid, 24décembre1734. Alors que la population se rend à la messe de Noël, des exclamations se font entendre. De la fumée semble se dégager del’Alcazar : le palais royal, résidence des rois d’Espagne, est en feu!
Et cet incendie va être la cause de l'un des plus grands drames de l’histoire de l’art...
Heureusement, la famille royale est saine et sauve : elle s’était installée dans un autre palais, le temps de réaliser des travaux dans l’Alcazar. Il faut dire que la forteresse d’origine arabe n’est plus à la mode. Ce serait d’ailleurs l’un des artistes présents sur le chantier qui aurait provoqué l'incendie en attisant trop sa cheminée...
Mais si le palais est vidé de ses habitants, ce n’est pas le cas de ses œuvres d’art ! Pire encore, du sol au plafond, les murs sont couverts par des tableaux appartenant à la collection royale. On y trouve notamment des toiles des plus célèbres artistes du 17e siècle comme Vélasquez et Rubens, acquis à une époque où l’Espagne était à l’apogée de sa puissance.
École de Peter Paul Rubens, copie du Portrait équestre de Philippe IV d’Espagne, vers 1645, huile sur toile, 337 x 263 cm, Musée des Offices, Florence. L’original de Rubens a été détruit dans l’incendie de 1734.
Il faut donc les sauver ! Hélas, la tâche s’avère plus compliquée que prévu : malgré l’aide des religieux du couvent voisin, les bras manquent. Et ce n’est pas tout : en ce 18e siècle, il n’existe aucune règle de sécurité pour les tableaux. Leurs cadres sont donc... collés aux murs ! Les sauveteurs n’ont d’autre choix que de découper les toiles qui sont à leur hauteur, de les rouler et de les jeter par les fenêtres.
Des tableaux sauvés mais abîmés lors de l’incendie
À gauche : Titien, Charles Quint à cheval à Mühlberg, vers 1547, huile sur toile, 332 x 279 cm, Musée du Prado, Madrid (la toile a noirci en partie inférieure). À droite : Diego Vélasquez, Les Ménines, 1656, huile sur toile, 320 x 276 cm, Musée du Prado, Madrid (des repeints sont effectués suite à l'incendie).
Au bout de plusieurs jours d’incendie, le bilan est terrible. 537œuvres sont parties en fumée et perdues à jamais. Les survivantes sont parfois très abîmées,comme un portrait du Titien, noirci en partie inférieure.
Cette catastrophe, bientôt connue de toute l’Europe, aura tout de même un effet positif : elle va inspirer... les premières mesures de protection des œuvres !
Diego Vélasquez, Main de l’archevêque Fernando Valdés, vers 1630, unique fragment d’une huile sur toile en grande partie détruite en 1734, volé au Palais Royal de Madrid en 1989, localisation inconnue