Automne 1777. Le comte d’Artois vient d’acquérir un pavillon à Bagatelle, près de Paris. La construction est si délabrée qu'il faut tout refaire, et les travaux s’annoncent coûteux... Cela n’empêche pas le jeune homme de parier la somme astronomique de 100 000 livres avec sa belle-sœur, la reine Marie-Antoinette.
Son objet ? Le comte jure que sa demeure peut être reconstruite intégralement en trois mois, avant le début de l’hiver. S’il réussit, à lui l’argent ! Mais s’il échoue, il devra ouvrir sa bourse.
Pour son architecte, François-Joseph Bélanger, c’est donc une véritable course contre la montre qui débute. Pour mener à bien le projet, il redouble d’énergie et d’imagination.
Georges Jacob (menuisier) et Jean-Baptiste Simon Rode (sculpteur), Fauteuil, exécuté pour le cabinet turc du comte d'Artois à Versailles, 1776-1777, bois doré, Musée du Louvre, Paris
D’autant que le comte d’Artois est un mécène cultivé et un grand collectionneur: il lui faut une demeure à la pointe de la mode. Il est, par exemple, le premier à se passionner pour les motifs dits "turcs" qu'il insère dans les décors de ses appartements de Versailles.
À Bagatelle, Bélanger imagine un joli pavillon pour lequel il crée un décor néoclassique aux lignes droites et sobres, inspiré de l’Antiquité. Le projet est complété d’un parc aux bosquets cachés, inspiré des jardins anglais.
Élégant et fastueux, Bagatelle est ainsi le modèle parfait de la "folie", cette petite maison de plaisance bâtie pour un riche amateur d’art. Et surtout, le gros des travaux est bien achevé en quelques semaines à peine. Pari réussi ! Le comte d’Artois peut même organiser une fête pour y recevoir Marie-Antoinette...
François-Joseph Bélanger, Étude pour le plafond de la salle à manger de Bagatelle, vers 1777, crayon et encre grise sur papier, 40 x 65 cm, Metropolitan Museum of Art, New York
Le jeune prince est si satisfait qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin. Peu après, rebelote : il rachète le château de Maisons, et confie le chantier à Bélanger. Là encore, l’architecte mène une rénovation éclair, en mêlant meubles anciens et nouveautés néoclassiques.
Et si les décors de Bagatelle ont disparu, ceux de Maisons témoignent encore de la culture du comte d’Artois… et comme le disent ses contemporains, de son "goût décidé pour la truelle" !
"Petit mais commode." Devise inscrite sur le pavillon de Bagatelle
Envie d’une escapade royale ?
Alors on vous donne rendez-vous au château de Maisons ! La passionnante exposition "Le comte d’Artois, prince et mécène" nous fait revivre la jeunesse trépidante du petit frère de Louis XVI et futur Charles X.
Peintures, dessins, sculptures et pièces de mobilier sont pour la première fois rassemblés pour témoigner de l’important mécénat de ce prince collectionneur. Sans compter qu’il est aussi possible d’admirer les décors qu’il a commandés à Bélanger et qui ont survécu au passage du temps !