Zaida Ben-Yusuf, Portrait du gouverneur Theodore Roosevelt, 1899, impression photographique, Library of Congress, Washington D.C.
New York, printemps 1899. La photographe Zaida Ben-Yusuf s’apprête à recevoir une célébrité dans son studio. Un magazine américain lui a en effet commandé le portrait de Theodore Roosevelt, le futur président, qui doit être interviewé dans ses colonnes. Pour Zaida Ben-Yusuf, c’est la consécration. Il faut dire qu’elle n’était pas destinée à une carrière aussi brillante...
À vrai dire, la jeune femme, née à Londres d’un père algérien et d’une mère allemande, n’a débarqué aux États-Unis que quatre ans plus tôt. Et l’immigrante n’avait alors que quelques dollars en poche ! Elle commence à travailler comme modiste, mais sur son temps libre, elle se passionne pour la photo. Après l’achat de son appareil, elle en apprend la technique en autodidacte.
En 1897, Zaida Ben-Yusuf ouvre ainsi son propre studio. Et ça marche, son succès est immédiat ! Si ses photos plaisent autant, c’est que la jeune femme a de véritables ambitions artistiques. Elle abandonne les conventions du portrait photographique, avec ses toiles de fond peintes et ses poses artificielles un peu trop raides. Au contraire, ses modèles, mis en valeur par des jeux d’ombre et de lumière, semblent saisis sur le vif.
Zaida Ben-Yusuf, Portrait de Sadakichi Hartmann, 1898, tirage platine-palladium, National Portrait Gallery, Londres
À gauche : Zaida Ben-Yusuf, L'odeur des grenades (détail), 1901 / À droite : Dante Gabriel Rossetti, Proserpine (détail), 1874, huile sur toile, 125 x 61 cm, Tate Britain
"Les célébrités sous l'objectif de Zaida Ben-Yusuf", publié dans Saturday Evening Post, 21 décembre 1901
Ben-Yusuf en est persuadée : la photo peut être artistique. Pour le prouver, elle n’hésite pas à s’inspirer des peintres de son temps comme Rossetti ou Sargent, dans leurs sujets comme dans leurs compositions. Certaines de ses photos réinterprètent d’ailleurs directement des tableaux mythologiques.
Grâce à sa patte singulière, Zaida Ben-Yusuf expose bientôt dans le monde entier, fait la couverture de nombreux journaux et devient même la porte-parole de la société Kodak. Toutes les célébrités du temps se bousculent donc dans son studio, y compris le futur président des États-Unis ! Et si l’artiste finira par changer de voie quelques années plus tard, elle aura participé à donner ses lettres de noblesse à la photo de portrait...
"Il n'y a rien de plus intéressant que le paysage du visage humain." Irvin Kershner
En savoir plus
Zaida Ben-Yusuf, Madame Fiske, l'Amour trouve le chemin (détail), 1896