Gold gab ich für Eisen. En français : "J’ai donné de l’or pour du fer". Si vous lisez un jour cette étonnante inscription à l’intérieur d’un bracelet ou sur une bague, sachez que son ancienne propriétaire était une vraie patriote !
Revenons en 1806 pour comprendre...
Alliance en fer de Berlin portant l'inscription Gold gab ich für Eisen, 1813, Musée de la ville de Dortmund. Photo : Fichtel & Schmitz, CC BY 2.0
Charles Meynier, Entrée de Napoléon à Berlin. 27 octobre 1806, 1810, huile sur toile, 330 x 493 cm, Château de Versailles
À la tête de sa Grande Armée, Napoléon envahit la Prusse, un royaume couvrant le nord de l’Allemagne et une bonne partie de la Pologne actuelles.
L’heure est grave et les caisses sont vides.
Pour combattre l’ennemi français, la princesse Marianne de Prusse invite les femmes à faire don de leurs objets de valeur — et en particulier de leurs bijoux en or. En échange, ces généreuses donatrices reçoivent des bijoux… tout noirs !
Siméon Pierre Devaranne, Paire de bracelets en fer de Berlin, vers 1820-1830, Victoria & Albert Museum, Londres
Eh oui, ces pièces sont fabriquées en fer puis enduites d’un mélange de suie et d’huile de lin pour les protéger de la rouille.
Avec tout son savoir-faire, la fonderie royale de Berlin se met à créer des bijoux couleur d’ébène d’une grande finesse, aux motifs gothiques inspirés du Moyen Âge. Certains portent la fameuse inscription, ou une variante telle que Für das Wohl des Vaterlands ("Pour le bien de la patrie").
Collier en fer de Berlin, vers 1815, 47 cm de diamètre, Metropolitan Museum of Art, New York
Peigne en fer de Berlin, vers 1820, 15,5 x 14,5 cm, Victoria & Albert Museum, Londres
Arborer l’une de ces bagues, broches ou tiares devient un symbole de résistance à Napoléon et une preuve de patriotisme. La mode du fer de Berlin se développe donc à toute vitesse, d’autant que ces pièces très sophistiquées, mais sans métal précieux ni gemmes, sont relativement abordables. La demande explose et des dizaines d’autres fonderies voient le jour dans la région.
Ironie de l’Histoire, si ces bijoux n'ont pas suffi à sauver la Prusse de l'envahisseur, cette tendance a rapidement traversé les frontières pour s’exporter... jusqu’en France !
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Et les bijoux gracieusement donnés par les Prussiennes, que sont-ils devenus ? Pour beaucoup, démontés et fondus… Nul besoin d’ailleurs de circonstances aussi dramatiques pour transformer des parures, un changement de mode suffit ! Le bijou est loin d’être aussi intemporel qu’il y paraît.
Quant aux diamants, sont-ils réellement éternels ? Les saphirs toujours bleus ? Les joyaux réservés aux femmes ? Autant de questions auxquelles répond le nouvel ouvrage de L’École des Arts Joailliers, érudit mais facile à lire et surtout passionnant.
L’École des Arts Joailliers - L’Escarboucle. Photo : Vincent Leroux