Jérôme Bosch, Le Jardin des délices, 1480-1505, huile sur bois, 220 x 386 cm, Musée du Prado, Madrid
Détail du Jardin des délices
Les peintures de Jérôme Bosch grouillent souvent de créatures étranges, parfois drôles, presque toujours effrayantes. Dans son triptyque – tableau en trois volets – du Jardin des délices, un démon est plus glaçant que tous les autres. Trônant sur le panneau de l'Enfer, ce hibou monstrueux dévore des hommes puis les éjecte aussitôt vers une fosse pleine d’excréments bleus.
Pourquoi le roi de l'Enfer a-t-il une tête de hibou ? Est-ce que Jérôme Bosch avait une dent contre ce volatile ? Dans sa peinture, il montre en tout cas une véritable obsession pour les chouettes et les hiboux. Au point qu’il est même difficile de trouver une œuvre dans laquelle il n’aurait pas caché l’un de ces oiseaux. Dans Le Jardin des délices, par exemple, on en compte cinq !
Détails du Jardin des délices
Lucas Cranach l'Ancien, Portrait de Johannes Cuspinian (détail), 1502, huile sur bois, 60 x 45 cm, Collection Oskar Reinhart "am Römerholz", Zurich
Pour les contemporains du peintre, la présence inquiétante du hibou signale qu’un danger plane. Au 15e siècle, on le voit comme un oiseau de mauvais augure associé à la mort et au diable. Cela explique la place qui lui est donnée dans le panneau de l'Enfer du Jardin des délices.
Mais s’arrêter à cette interprétation ne suffit pas à faire toute la lumière sur l'intérêt de Jérôme Bosch pour les chouettes et les hiboux, notamment à cause de l’un de ses dessins.
L'artiste a eu, en effet, la patience d’observer le nid d’une famille de chouettes pour en tirer une image vivante, délicate et presque tendre. La preuve qu'il avait, contrairement à de nombreux artistes de son époque, beaucoup de respect pour les chouettes et les hiboux. Il ne les maltraite d'ailleurs jamais dans ses peintures. L'ours n’a malheureusement pas la même chance.
Jérôme Bosch, Le Nid de chouettes, 1505-1516, encre brune sur papier, 14 x 20 cm, Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
Comme les gens de son époque, il voyait sans doute dans cet animal capable de se dresser sur ses pattes arrière l’équivalent sauvage de l’homme.
On lui attribuait tous les vices : goinfrerie, paresse, colère, tromperie… Alors Bosch n’y va pas de main morte : poignardé, décapité, pendu, enlevé par un oiseau… le pauvre ours en prend vraiment pour son grade !
À gauche : Jérôme Bosch, Saint Christophe portant l'Enfant Jésus (détail) 1500, huile sur bois, 113 x 71 cm, Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam. À droite : détail du Jardin des délices
"Un ours grogne quand une branche lui tombe sur la tête, mais il se tait sous le poids d'un arbre." Proverbe polonais