Où l’on rencontre un artiste qui a un bon coup de couteau.
Le Bulletin de la vie artistique, 1er mai 1923, Bernheim-Jeune, Bibliothèque nationale de France, Paris
1923, dans une salle des ventes parisienne. L’un des tableaux de Charles Camoin vient de trouver preneur après des enchères acharnées. Et pourtant, son auteur est... fou de rage ! En effet, son œuvre n’aurait jamais dû se retrouver là ! Pourquoi donc ?
Les traits qui lacèrent La Bayadère, rapiécée tant bien que mal, donnent un indice. Mais pour comprendre, revenons en 1914.
À cette époque, Charles Camoin rentre d’un séjour à Tanger chez son ami Henri Matisse, qui l’a invité pour le consoler d’une difficile rupture amoureuse.
Pendant cette période, d’un point de vue artistique, le style de l’artiste évolue.
Il s’éloigne du fauvisme et de ses teintes lumineuses : s’il se sert toujours de la couleur pour exprimer ses sentiments, sa palette s’assombrit.
À son retour, il ne se reconnaît plus dans les toiles accrochées aux murs de son atelier parisien. Alors, un soir, il se saisit d’un couteau et les lacère, avant de les jeter à la poubelle.
C’était sans compter sur la présence d’un chiffonnier en charge du ramassage des ordures : celui-ci tombe sur ces lambeaux et les récupère, sentant qu’il s’agit d'un trésor. Les morceaux passent ensuite de main en main, sont restaurés et terminent en salle des ventes.
Camoin ne réagit pas la première fois mais la colère monte à force de voir d’autres œuvres réapparaître sur le marché au cours des deux années suivantes. C’en est trop ! L’artiste intente un procès aux vendeurs, considérant que sa volonté de ne plus montrer ces toiles doit primer.
Le tribunal finit par lui donner raison: si les morceaux de toiles appartenaient matériellement aux accusés, ils n’avaient pas le droit d’aller contre la volonté de l’artiste en les exposant.
On peut tout de même aujourd’hui remercier le chiffonnier de nous avoir fait parvenir ces merveilles. Mais aussi Camoin qui a fait ainsi progresser le concept de propriété intellectuelle: son affaire sert toujours de référence pour le droit des artistes...
"La forme la plus extrême de la possession : la destruction." Gaëtan Brulotte
Le service au tennis, le plongeon en natation, la foulée de la course... Autant de gestes répétés mille fois par les sportifs et observés par les artistes, tous à la recherche de la perfection !
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