1748, Île-de-France. Le céramiste Jacques Chapelle rejoint la manufacture de Sceaux pour y produire de la faïence. Mais les usines concurrentes sont nombreuses ! Comment se distinguer pour attirer l’œil et le porte-monnaie des aristocrates ? La réponse va venir d’ailleurs… Avant son arrivée à Sceaux, Chapelle s’est en effet formé à Strasbourg. Là-bas, il a le souvenir d’avoir vu des dindons ou descanards grandeur nature entièrement réalisés en faïence !
Paul Hannong, manufacture de Strasbourg, Paire de terrines en forme de canard, 1748-1754, faïence, décor polychrome au petit feu, 32 x 36 cm, Musée historique de Bâle. Photo : DR
Suivant la technique traditionnelle de la faïence, ces pièces en forme d’animaux étaient modelées en argile, cuites une première fois, puis recouvertes d’un émail blanc. Enfin, les ouvriers les décoraient avant la cuisson finale. Disposées sur la table lorsque les nobles recevaient, les céramiques finalisées étaient mélangées à de véritables plats, pour amuser les convives.
Pourquoi ne pas importer cette idée à Sceaux ? Mieux encore : pourquoi simplement amuser ses convives lorsque l’on peut aller jusqu’à les tromper ? Chapelle a trouvé son produit d’appel : les trompe-l’œil, ou "attrapes".
Les ouvriers de Sceaux se mettent ainsi à produire desassiettes remplies de noix, radis, olives ou gâteaux en céramique, au grand dam des convives qui s’y laisseront piéger !
Pour créer la parfaite illusion, Chapelle a la solution : les émaux de petit feu. Tout juste élaboré, ce processus de coloration repose sur des températures de cuisson très basses. Ces émaux élargissent de manière spectaculaire la gamme de couleurs initiale de la faïence, basée sur cinq tons.
Grâce à cettenouvelle palette riche et nuancée, fruits et légumes ont l’air plus vrais que nature !
Jacques Chapelle, manufacture de Sceaux, Plat portant des radis en relief, 1748-1763, faïence, décor polychrome au petit feu, 23 cm de diamètre, Musée du Louvre, Paris. Photo : Julien Vidal
En quelques années, le succès est au rendez-vous : bourgeois et aristocrates s’arrachent ces productions inventives. À tel point que d’autres manufactures françaises, à Marseille ou à Niderviller, ne tardent pas à reprendre l’idée…
Qui aurait cru que des friandises en faïence se vendraient comme des petits pains ?