Paris, fin du 15e siècle. L’abbé Jacques d’Amboise est à la tête de l’ordre de Cluny, la communauté religieuse la plus puissante d’Europe, ce qui fait de lui un homme riche et influent. Alors, pour son logement, l’abbé a des exigences à la hauteur de son statut.
Sa fonction lui donne le droit de s’installer dans l’hôtel de Cluny, construit un siècle et demi plus tôt entre les actuels boulevards Saint-Michel et Saint-Germain.
Armoiries de Jacques d'Amboise sur un créneau de l'Hôtel de Cluny, Paris. Photo : Jebulon, CC 1.0
Hôtel de Cluny, Paris. Photo : Jebulon, CC 1.0
Agricol Benard, Cour intérieur de l'Hôtel de Cluny, 1888, dessin, 32 x 36 cm, Musée Carnavalet, Paris
Mais ce n’est pas assez bien pour Jacques d’Amboise... Il lui faut un bâtiment au goût du jour, dont la splendeur rappelle à chacun la toute-puissance de l’homme qui vit là !
L’hôtel est donc reconstruit entre cour, jardin… et ruines ! Car la partie ouest du terrain est déjà occupée. Pas par un autre propriétaire, mais par l’Histoire. C’est en effet là que se trouvent les vestiges plus que millénaires de thermes gallo-romains. Qu’à cela ne tienne, il suffit de faire détruire ce qui n’est de toute façon qu’un vieil édifice à demi écroulé.
Mais l’abbé a beau être immensément riche, cette entreprise s’avère trop coûteuse. Abattage des murs, main-d’œuvre : tout cela générerait des frais colossaux. En plus, comme les briques et le mortier ancien sont des matériaux sans valeur, impossible de les vendre pour récupérer une partie des frais de démolition.
Thermes de Julien, Hôtel de Cluny, Paris, 1er-2e siècle de notre ère. Photo : Time Travel Rome, CC BY 2.0
Achille Poirot, Vue de la grande salle du palais des thermes (frigidarium), 1845, huile sur papier, Musée de Cluny, Paris
N’ayant pas d’autre choix, Jacques d’Amboise demande à son maître d’œuvre de s’accommoder de cette contrainte : il va falloir intégrer les vestiges dans la construction de son hôtel particulier.
Et c’est une réussite ! Le nouvel édifice lie architectures moderne et antique de façon virtuose. Aujourd’hui, visiter le musée du Moyen Âge permet de passer d’un bain gallo-romain à une chapelle gothique. Heureusement que notre abbé manquait un peu d’argent.
"L’architecture, c’est ce qui fait les belles ruines" Auguste Perret
En savoir plus
Musée de Cluny, salle du frigidarium. Photo : Jean-Pierre Dalbéra, CC BY 2.0