1930, Paris. L’artiste touche-à-tout Jean Cocteau vient d’achever une série de dessins. Ceux-ci illustrent un texte sulfureux nommé Le Livre blanc, dont l’auteur est alors anonyme…
On trouve tout de même un indice de son identité, puisque le dessinateur révèle en ouverture : "On a dit que Le Livre blanc était mon œuvre (…) Mais quel que soit le bien que je pense de ce livre – serait-il même de moi – je ne voudrais pas le signer". Pourquoi tant de mystère ?
Anonyme, Le Livre blanc, illustré par Jean Cocteau, 1930, Éditions du signe, Paris
C’est que le narrateur y raconte sa découverte des amours masculines, à une période où la société est encore très intolérante ! Avec une grande poésie, le récit relate une série d’aventures sexuelles et sentimentales dont l’issue est souvent malheureuse.
Cocteau dote ce texte de 17 dessins réalisés avec son trait léger si distinctif, dont une bonne partie est explicitement homoérotique. À l’époque pourtant, les images scabreuses se vendent clandestinement. Et l’on en acquiert d’autant plus prudemment si elles mettent en scène de l’homosexualité !
Cela n’empêche pas Cocteau de parsemer le Livre blanc de figures masculines sensuelles. Dans ces croquis empreints de douceur et de fantaisie, on croise un jeune homme à trois têtes, plusieurs marins - tantôt gaillards, tantôt mélancoliques -, ou encore des couples enlacés.
Alors, qui est le mystérieux auteur du texte joliment orné ? En fait, le dessinateur est aussi l’écrivain ! Doué pour chacun de ces deux arts, Jean Cocteau a l’habitude d’illustrer des textes littéraires, dont les siens. Pour lui, les mots et les images sont inséparables puisque, comme il le dit : "Quand je dessine, j’écris et peut-être, quand j’écris, je dessine".
Bien que l’écrivain et le dessinateur ne fassent donc qu’un, toutes les éditions du Livre blanc parues du vivant de Cocteau tairont le nom du premier… Même s’il n’aura pas fait beaucoup d’efforts pour garder ce secret de Polichinelle !
