Où l’on fait la connaissance d’une ballerine au cœur de la tourmente.
Gauthier, Une sculpture en cire de Degas : Petite danseuse de 14 ans, XIXe siècle, photographie, Musée d'Orsay, Paris. Photo : RMN-Grand Palais / Franck Raux
Paris, 1881. Les visiteurs de l’exposition impressionniste s’attroupent, horrifiés, autour d’une sculpture de l’artiste Edgar Degas. Il s’agit pourtant d’une petite danseuse en tutu… Plutôt mignon, non ? Visiblement, tout le monde n’est pas de cet avis.
Il suffit d’ouvrir les journaux de l’époque pour s’en rendre compte. "Odieusement laide", "effrayante", "bestiale effronterie"… Voilà comment ils qualifient cette danseuse. Qu’est-ce qui peut bien les mettre dans un tel état ?
Tout d’abord, la sculpture est jugée trop réaliste. Degas, audacieux, a mêlé plusieurs matériaux pour être le plus ressemblant possible.
Pour imiter la texture de la peau, il utilise de la cire. La danseuse arbore de véritables chaussons, un tutu, et même d’authentiques cheveux. On n’a jamais vu cela !
Mais un autre point crispe la presse. Au XIXe siècle, on croit dur comme fer à une pseudo science (la physiognomonie) expliquant que les traits du visage d’une personne en disent long sur son caractère.
Edgar Degas, L'étoile (détail), vers 1876, pastel sur monotype, 58 x 42 cm, Musée d'Orsay, Paris
Or, suivant cette logique, notre petite danseuse aurait un esprit "profondément vicieux" et une petite vertu. Et là, ça ne passe vraiment pas ! Car Degas met les visiteurs face à un sujet sensible : les jeunes danseuses sont alors connues pour vendre leurs charmes à des "protecteurs".
Si aujourd’hui, nous trouvons cette ballerine charmante et innocente, pour les spectateurs et journaux de l’époque, elle est l’image même de la débauche.
Bref, la sculpture de Degas fait un flop. Un critique du Figaro prédit même à Degas un destin de "dieu des ratés" !
La suite les fera mentir. À la mort de l’artiste, un de ses amis redécouvre la statue dans son atelier et en tire plusieurs exemplaires en bronze. Une bonne intuition, puisque la Petite danseuse est aujourd’hui une icône.
Edgar Degas, Petite danseuse de 14 ans, 1881 (coulée en bronze en 1921), bronze, satin, tulle, 98 x 35 cm, Musée d'Orsay, Paris
" Mettez-la dans un musée de zoologie, d'anthropologie, de physiologie, à la bonne heure ; mais dans un musée d'art, allons donc ! " Henri Trianon
Racontée par L'équipe Artips
Iconographiée par Anthony Ejngoren
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