Début des années 1930. Sur les chantiers navals de Saint-Nazaire, toute une foule s’affaire à créer le plus grand, le plus rapide mais aussi le plus beau paquebot du monde - rien que ça !
Alors en plus des architectes, artisans et ouvriers chevronnés, la Compagnie générale transatlantique fait appel aux meilleurs artistes décorateurs de l’époque pour le Normandie.
Jean Dunand, paravent Bretagne en laque bleue, 1926. Photo : Lferreira, CC BY-SA 4.0
Parmi eux, un certain Jean Dunand. D’origine suisse, cet homme aux multiples talents excelle dans le travail de la laque, une technique très sophistiquée à laquelle il a été initié par un maître japonais.
Lorsque la Compagnie lui commande le décor du fumoir de la première classe, Dunand imagine naturellement des panneaux laqués. Ce n’est pas une mince affaire : on parle de plus de mille panneaux recouvrant une surface de 1 200 m2, avec des contraintes d’assemblage et de matériaux bien particulières pour s’adapter au fameux navire.
Mais Dunand ne se laisse pas démonter, loin de là. Il réorganise tout son atelier, embauche et forme de nouveaux artisans, fait creuser des fosses de plusieurs mètres pour les échafaudages et même installer des sonnettes pour permettre aux différentes équipes de se coordonner !
Mais surtout, durant toute l’année 1934, il travaille d’arrache-pied, de 6 heures du matin jusque tard dans la nuit, pour réaliser lui-même de nombreuses étapes de la création de cette œuvre monumentale.
Jean Dunand dans son atelier vers 1934. Photo : DR
Il dessine les motifs, sur le thème des "jeux et des joies de l'Homme", les reporte sur les panneaux puis il les sculpte en bas-relief (c’est-à-dire avec très peu de relief).
Ensuite, avec son armada d’assistants, il applique une à une les nombreuses couches de laque (une résine végétale) mélangée à des pigments de couleur ou à de la feuille d’or. Chacune doit être parfaitement sèche puis délicatement poncée avant de recevoir la couche suivante… Imaginez un peu le travail !
Mais le résultat est à la hauteur de tous ces efforts. Le décor du fumoir du Normandie est une telle réussite que Dunand crée de nouvelles versions de ses compositions, dans des dimensions bien plus modestes. Les collectionneurs se les arrachent toujours aujourd’hui, comme pour garder un souvenir du mythique paquebot aujourd'hui disparu…
Dès le 26 avril et jusqu'à la fin de l'été, le musée vous fait voyager entre les deux rives de l'Atlantique en compagnie de grands créateurs du 20e siècle : Marcel Duchamp, Raoul Dufy, Eileen Gray, Robert Mallet-Stevens, Jean Cocteau, Toyen, Walker Evans, Jeanne Lanvin, Fernand Léger, sans oublier Jean Dunand.
Laissez-vous porter par ces géants des mers et découvrez les toiles, affiches, poèmes, photos, décors et films qu'ils ont inspirés... Bon voyage !