Où l’on découvre une artiste qui se cache dans les détails.
Marguerite Gérard, L’Élève intéressante, vers 1786, huile sur toile, 65 x 54,5 cm, Musée du Louvre, Paris
Fin du 18e siècle. Marguerite Gérard vient d’achever son tableau L’Élève intéressante. Un titre bien adapté à la scène : on y voit une jeune femme dans un atelier d’artiste, en train d’étudier une œuvre. Mais est-ce vraiment elle, l’élève du titre ? Peut-être pas...
Approchons-nous un peu de la toile pour l’examiner. Au premier regard, l’œil est d’abord attiré par la jeune femme et sa robe d’une éclatante clarté. Dans l’atelier encombré se trouvent aussi, pêle-mêle, une statuette de chérubins coiffée d’un chapeau à plumes et, sous une table, des gravures froissées sur le sol. C’est là, dans ce coin, en bas à gauche, que se dissimule un détail d’importance.
Nichée dans un repli de tapis, une boule métallique reflète un coin de la pièce : on y voit l’artiste en train de peindre! Assise, elle travaille sous le regard de son maître et beau-frère, le célèbre Jean-Honoré Fragonard, qui lui a appris son art. Autour d’eux, d’autres membres de la famille complètent cette scène complexe, pourtant peinte sur une toute petite surface.
Détail de l’œuvre
Voilà qui donne un tout autre sens au tableau ! Marguerite Gérard rend ainsi avant tout hommage à Fragonard. Clin d’œil supplémentaire, l’œuvre que contemple la jeune femme est une copie d’une œuvre du maître. Ce dernier, qui aurait lui-même peint le chat et le chien du coin inférieur droit, a donc laissé sa trace partout.
À gauche : détail de l’œuvre. À droite : Nicolas François Regnault, La Fontaine d’amour, d’après une œuvre de Jean Honoré Fragonard, 1785, gravure, 59,5 x 43,1 cm, Metropolitan Museum of Art, New York
Mais ce n’est pas tout : Marguerite Gérard se place aussi sous la protection du célèbre artiste, à une époque peu favorable aux artistes femmes. Avec son autoportrait discret, mais aussi astucieux que virtuose, l’artiste se présente au spectateur comme sa disciple... Mais une disciple particulièrement douée. Eh oui, c’est elle, "l’élève intéressante" du titre !
Et le message semble être passé : au cours de sa carrière, cette digne héritière de Fragonard a rencontré un beau succès.
Marguerite Gérard et Jean-Honoré Fragonard, Les Premiers pas, vers 1780-1785, huile sur toile, 44,5 x 55,3 cm, Fogg Museum, Cambridge, États-Unis
“Qui veut faire de grandes choses doit penser profondément aux détails.” Paul Valéry
En savoir plus
L’autoportrait caché de Marguerite Gérard, l’infiniment petit chez Vermeer, le noir de Soulages... Dans son roman Les Yeux de Mona, l'historien de l'art Thomas Schlesser nous fait (re)découvrir ces chefs-d’œuvre et leurs sens cachés. Le tout à travers le regard de la petite Mona que son grand-père emmène au musée avant qu’elle ne perde, peut-être pour toujours, la vue.
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