Un homme noir appuyé de manière nonchalante sur une colonne, un fond de paysage de montagne, le buste d’un célèbre philosophe... Voilà un tableau qui fait sensation au Salon de Paris de 1798 ! Et si l’artiste Girodet a choisi de le présenter dans cette prestigieuse exposition, cela n’a rien d’un hasard.
En effet, l’œuvre n’est autre qu’un portrait de Jean-Baptiste Belley, l’un des premiers élus noirs de la République française. Seule sa boucle d’oreille d’or, symbole de servitude, rappelle qu’il a un jour été esclave à Saint-Domingue (actuel Haïti).
Détail de l'œuvre
Avec son chapeau et son écharpe bleu blanc rouge, Belley porte tous les insignes de son habit de député de 1794. Une date symbolique, car c’est cette année-là qu’il a poussé la Convention nationale au vote pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies...
Mais pourquoi faire ce tableau et le montrer au Salon quatre ans après ce vote ? Belley n’est même plus député. C’est que le contexte a changé : les colons font alors pression pour rétablir l’esclavage et pour Girodet, c’est une honte !
Nicolas André Monsiau, L’Abolition de l’esclavage par la Convention le 4 février 1794, dessin à la plume rehaussé de gouache, 24 x 32 cm, musée Carnavalet - Histoire de Paris
L’artiste montre donc ce portrait d’un député noir, dans une posture d'assurance, mis au même niveau que le philosophe Raynal dont on aperçoit le buste et qui plaidait pour la liberté générale. Girodet espère ainsi rendre hommage à Belley et rappeler sa lutte pour la fin de l’esclavage.
À gauche : Anne-Louis Girodet, Portrait de Jean-Baptiste Belley (détail). À droite : Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand (détail), vers 1809, huile sur toile, 130 x 96 cm, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin, Saint-Malo
Hélas, si le tableau plaît beaucoup, ni Girodet, ni Belley, ni leurs amis abolitionnistes n’auront gain de cause. L’esclavage est rétabli dès 1802 par Bonaparte. Si Haïti résiste et gagne son indépendance deux ans plus tard, Belley, en revanche, meurt proscrit à Belle-Île-en-Mer.
Mais ce tableau a marqué l’histoire : pour la première fois, un homme noir est dépeint en législateur, avec respect et sans caricature. Et il commémore un combat primordial pour les droits humains !
"Déracinez avec moi l'arbre de l'esclavage." Toussaint Louverture
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