Où l’on découvre une œuvre faite d’une main de maître.
2003, Amsterdam. Des chercheurs préparent une exposition sur Hendrick Goltzius, un graveur de la fin du 16e siècle. Parmi les œuvres qu’ils comptent montrer se trouve un curieux dessin de l’artiste. On y voit une main droite représentée avec précision mais étrangement recroquevillée. Serait-ce celle de Goltzius lui-même ? Pour en savoir plus, ils s’adressent à... un chirurgien plastique !
Hendrick Goltzius, Main droite, 1588, plume et encre brune, 23 x 32,2 cm, Teylers Museum, Haarlem
Pour comprendre, il faut revenir sur l’histoire peu banale de Goltzius. En effet, l’artiste s’est gravement brûlé la main droite en tombant dans une cheminée lorsqu’il était enfant. Les séquelles sont telles qu’il lui est désormais impossible de tendre les doigts.
Mais en grandissant, Goltzius refuse d’abandonner son rêve de devenir artiste. À force de persévérance, il s’adapte et parvient à dessiner avec cette main déformée.
Il maîtrise même la délicate technique de la gravure au burin qui consiste à creuser des sillons sur une plaque en cuivre avant de l’enduire d’encre. Grâce à son talent, Goltzius voit ses œuvres circuler partout : sa renommée est internationale!
Hendrick Goltzius, Autoportrait, vers 1592-1594, craie, plume et encre, aquarelle rehaussée de blanc, Albertina Museum, Vienne
En haut : Hendrick Goltzius, Main droite (détail) En bas : Hendrick Goltzius, Sainte Famille d’après Bartholomeus Spranger (détail), 1580, gravure, Bibliothèque nationale du Brésil, Rio de Janeiro
Pourtant, l’image de main étudiée par les chercheurs n’est pas gravée. Pour la réaliser, Goltzius s’est lancé un nouveau défi : imiter par le dessin son travail exécuté au burin. Ainsi, les traits croisés imitent parfaitement la gravure.
Tracée à la plume et sans doute à l’aide d’un miroir, cette main est donc un trompe-l’œil.
Mais alors appartient-elle vraiment à Goltzius ? Le chirurgien qui se penche sur la question est formel : la main présente des traces de brûlure. Voici la preuve que les chercheurs attendaient !
Si l’artiste ne s’est pas représenté en entier, c’est qu’à son époque, tous les amateurs d’art connaissent son histoire. Pour l’identifier, cet autoportrait original leur suffit. D’ailleurs, cette main est si célèbre que, lors d’un voyage en Italie, Goltzius est même forcé de la cacher pour rester incognito. Si la main est l’instrument de l’artiste, elle est parfois aussi célèbre que lui !
Œuvres de Goltzius inspirées par son voyage italien À gauche : L’Apollon du Belvédère, vers 1592-1617, gravure au burin sur papier vergé, 42 x 30,5 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. À droite : Hercule Farnèse, 1592, burin sur vélin, contrecollé sur carton, 43 x 32,1 cm, Musée d’art et d’histoire de la ville de Genève
"Je suis adroit de la main gauche et je suis gauche de la main droite." Raymond Devos