Où l’on découvre qu’il vaut mieux ne pas trop parler des fantômes.
Katsushika Hokusai, Oiwa, le fantôme-lanterne, de la série Cent histoires de fantômes, vers 1826-1837, estampe, 19 x 26 cm, Minneapolis Institute of Art, Minneapolis
Voilà un inquiétant visage : de grands yeux désespérés, pas de nez, et un trou en guise de bouche… Surtout, cette tête effrayante semble avoir fusionné avec une lanterne de papier ! L’artiste Hokusai chercherait-il à nous faire peur ?
Eh oui, c’est bien son but ! Voici l’une des illustrations de sa série consacrée aux Cent histoires de fantômes. Au Japon, au début du 19e siècle, les histoires horrifiques ont la cote. On se rassemble en grandes veillées éclairées par cent bougies.
Les convives se racontent à tour de rôle d’effrayants récits de fantômes célèbres, en éteignant l’une des bougies à la fin de chaque histoire.
Katsushika Hokusai, Cent histoires de fantômes dans une maison hantée, 1790, encre sur papier, Museum of Fine Arts, Boston
Jusqu’à la dernière, qui plonge la pièce dans le noir… Selon la tradition, c’est à ce moment que devrait apparaître un esprit !
La pression monte à chaque bougie éteinte, au point que certains invités préfèrent s’éclipser avant la fin. Parmi les cent fantômes convoqués lors de ces soirées, l’un des plus fameux s’appelle Oiwa.
Cette femme de samouraï a été défigurée par un cosmétique piégé à l’acide par son époux, qui l'a ensuite poussée au suicide. Chaque nuit, elle revient hanter le coupable sous la forme d’une lanterne fumante…
Ikkyo, Le fantôme d'Oiwa (détail), 19e siècle, peinture sur soie, 173 x 51 cm, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris. Photo : Claude Germain
Katsushika Hokusai, Le Fantôme d'Okiku, de la série Cent histoires de fantômes, vers 1831-1832, estampe, Bibliothèque nationale de France, Paris
Ce n’est pas le seul fantôme qui passionne Hokusai. L’artiste représente également la malheureuse servante Okiku, jetée dans un puits pour avoir brisé de la vaisselle, et dont le cou est devenu une longue pile d’assiettes.
Finalement, Hokusai n’ira jamais jusqu’au bout des Cent histoires de fantômes, et s’arrête à cinq… La légende raconte qu’il se serait interrompu, car ses images auraient été jugées trop macabres et susceptibles de traumatiser le public.
Fais-moi peur… mais pas trop quand même !
"Est-ce que je crois aux fantômes ? Non, mais j’en ai peur." Marie du Deffand