Où l’on découvre une banque qui doit régler sa dette.
1963, Australie. Le graphiste Gordon Andrews réalise une importante mission pour le gouvernement : le voilà chargé de créer le nouveau billet d’un dollar! Ravi, Andrews choisit d’y représenter une peinture aborigène. Son objectif ? Mettre en lumière l’art de ces premiers habitants de l’Australie à qui la citoyenneté est toujours refusée.
Pour le verso du billet, Andrews copie ainsi une peinture sur écorce, conservée dans un musée parisien, qu’il a vue en photo. On y découvre une scène funéraire aux figures cernées de blanc: un défunt est entouré de musiciens et de cuisiniers qui préparent du kangourou rôti.
L’œuvre semble ancienne aux yeux du graphiste : il est d’ailleurs persuadé que l’artiste, dont il ignore le nom, est mort depuis longtemps.
Billet de 1 dollar australien, 1966, œuvre originale de David Malangi, graphisme par Gordon Andrews
Portrait de David Malangi avec une de ses œuvres ayant inspiré Gordon Andrews, vers 1960. Photo : DR
Trois ans plus tard, ce sont donc 680 millions de nouveaux billets qui envahissent l’Australie et cela à la grande surprise... de l’auteur de l’œuvre, David Malangi!
Un article dans la presse et une lettre à la Banque centrale tirent la sonnette d’alarme : non seulement l’artiste aborigène est bien vivant mais en plus, personne n’a demandé sa permission avant d’utiliser sa peinture. Celle-ci raconte une légende aborigène dont il est, selon la coutume de son peuple, le "gardien".
Pour ne rien arranger, les lois australiennes restreignent les droits d’auteur des Aborigènes: ceux-ci ne peuvent pas être directement rémunérés pour leur art.
Afin d'éteindre la polémique qui enfle, le gouverneur de la Banque centrale se dépêche d’aller rencontrer l’artiste en personne, pour lui offrir une médaille, un kit de pêche et s’assurer qu’il recevra une compensation financière.
L’histoire ne dit pas si Malangi a été payé avec les billets qu’il avait involontairement contribué à créer, mais l’artiste aurait tiré une grande fierté de cette reconnaissance tardive. Mieux encore : le scandale a enfin permis aux Aborigènes de pouvoir revendiquer par la suite (et avec succès) leurs droits d’auteur!