Une nuit de 1985, 14e arrondissement de Paris. Dans l’obscurité, une jeune femme range une bombe de peinture et un morceau de carton découpé. Sur le mur face à elle, on distingue un portrait lui ressemblant étrangement, accompagné du texte "J’enfile l’art mur pour bombarder des mots cœurs" et d’une signature, "Miss.Tic"… Pourquoi cette étrange peinture nocturne ?
Par esprit de contradiction avant tout ! Peu de temps auparavant, son amoureux la quitte en lui lançant qu’il ne "veut plus la voir en peinture". Ni une ni deux, elle décide de le provoqueren faisant... exactement l’inverse.
L’artiste Miss.Tic multiplie alors autoportraits et textes rouges et noirs sur les murs de Paris. Pour cela, elle utilise la technique du pochoir : en amont, elle découpe son motif dans un morceau de carton puis, grâce à de la peinture en bombe appliquée dans les zones évidées, le dessin apparaît sur le mur.
C’est rapide, un aspect primordial pour une graffeuse qui agit dans l’illégalité, et le pochoir permet de reproduire le motif à l’infini, ou presque… Plutôt malin quand on veut hanter son ex compagnon !
Si par la suite elle remplace les autoportraits par des silhouettes féminines, elle y ajoute invariablement des expressions qui font mouche. À ce sujet, elle précise : "je n’ai pas de message, je fais de la poésie, et c’est aux gens d’inventer, d’imaginer ce qu’ils veulent par rapport à ce que j’écris".
Avec ses œuvres uniques en leur genre, Miss.Tic se taille ainsi une place de choix dans le milieu pourtant très masculin des graffeurs.
Et si, à partir de 1999, elle ne graffe plus que légalement, ses créations continuent d’orner les murs de la ville, puis ceux des musées et des galeries d’art du monde entier. Ça, c’est de la vengeance réussie.
L'artiste Miss.Tic à la galerie Lelia Mordoch à Paris en 2012. Photo : Moreaupf CC BY-NC-SA 3.0 DEED