Où l’on découvre une exposition victime de son succès.
Affiche de l'exposition Robert Morris, du 26 avril au 30 avril (initialement 6 juin) 1971, Tate Gallery. Photo : Tate Archive, Fair use
1971, Tate Gallery de Londres. Quatre jours après son inauguration, l’exposition de l’artiste contemporain Robert Morris ferme ses portes. Pourquoi si vite ? Les visiteurs sont pourtant venus nombreux… Oui, mais les œuvres de l’artiste leur ont tellement plu que certains en sont devenus fous, au point de se blesser !
Pour cette exposition, qui devait être une rétrospective de son œuvre, Morris choisit finalement de présenter des créations originales.
Assemblant des planches de bois, des cordes et des clous, il réalise des sculptures monumentales qui envahissent la Tate Gallery. Et contrairement à l’habituel "Ne pas toucher" des musées, Morris invite les visiteurs à s’approcher des œuvres, et même à grimper dessus !
Proposer une telle interaction avec les œuvres d’art, c’est du jamais vu. Alors, très exalté par cette autorisation spéciale, le public se met à escalader les parois et à rouler dans les cylindres, comme le ferait un hamster.
La presse de l’époque critique sévèrement l’exposition qui n’est, selon elle, qu’une gigantesque cour de récréation. Pourtant, au-delà du divertissement, Robert Morris propose une réflexion sur le corps, sujet central de sa démarche. Il souhaite que ses sculptures abstraites soient ressenties physiquement par le spectateur. Les "sculptures d’action" imposent donc des mouvements particuliers au visiteur, qui prend ainsi conscience de son corps par l’effort qu'il fournit.
L’engouement du public a surpris le musée, si bien que les matériaux choisis ne permettaient pas d'assurer la sécurité des 2 500 visiteurs venus faire de l’exercice. En 4 jours, on déplore ainsi une entorse au doigt, une déchirure musculaire à la jambe, et une multitude d’échardes.
"At the Tate – the play was the thing", (À la Tate - le jeu c'est la chose), publié dans Spectator, 8 mai 1971. Photo : Tate Archive
L’exposition ferme donc, au grand regret de ceux qui prévoyaient de la visiter.
L’occasion de vivre l’expérience proposée par Morris à la Tate Gallery s’est bien représentée, mais il a fallu attendre près de 40 ans. Et cette fois, avec des matériaux plus fiables et des tapis au sol, l’exposition version 2009 n'a déploré aucune blessure !