La cour du Palais des études de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Photo : Jean-Pierre Dalbéra
1901. Il y a du rififi à l’École des Beaux-Arts de Paris ! Le conseil supérieur vient de recevoir une pétition adressée par plusieurs étudiantes. Celles-ci réclament l’égalité complète avec leurs camarades masculins lors des concours...
À cette date, cela fait seulement quatre ans que la vénérable institution a ouvert ses portes aux femmes. Et on compte veiller sur la moralité des élèves, masculins comme féminines, en les séparant ! Les nouvelles étudiantes se forment donc dans deux ateliers, de peinture et de sculpture, qui leur sont réservés.
Au programme, étude de l’art antique et surtout dessin sur modèle vivant, alors considéré comme la base de la formation.
Illustration de Pierre Vidal dans La Femme à Paris. Nos contemporaines, écrit par Octave Uzanne, Ancienne Maison Quantin, Librairies-Imprimeries Réunies, Paris, 1894
Atelier de croquis sur modèle vivant, fin du 19e siècle, École des Beaux-Arts de Paris
Cela permet d’apprendre l’anatomie et de mieux comprendre le mouvement des muscles avant de passer à de grandes compositions.
Voilà justement le souci. Pour des raisons de "décence", l’école a décidé que les modèles masculins exposés aux yeux des jeunes femmes seraient couverts d’un "caleçon", c’est-à-dire d’un pagne.
Ernest Louis Désiré Le Deley, École nationale des beaux-arts, atelier Humbert, 1903, carte postale, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, ENSBA. Photo : Dist. RMN-Grand Palais/image Beaux-Arts de Paris
Lors des concours mixtes, cela les défavorise : les professeurs, qui doivent juger et récompenser les meilleurs dessins présentés anonymement, savent d’un coup d’œil quel est le sexe de l’auteur ! Les artistes en herbe réclament donc de dessiner des modèles entièrement nus.
Le conseil voit les choses autrement : pourquoi ne pas plutôt vêtir les modèles pour tous les élèves? La première entrée à l’école, Marguerite Jamin, plaide pour cette solution "qui ne détruit en rien l’harmonie du corps".
Exemples de dessins sur modèle vivant réalisés lors de concours après la réforme de 1901 À gauche : dessin d'Angèle-Blanche Denvil, 1906 / À droite : dessin de Paul Jean Hugues. Photo : Collection de l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris
Lucienne Heuvelmans, Électre veillant sur le sommeil d'Oreste, plâtre, prix de Rome 1911, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Paris
Mais loin de calmer les esprits, cette idée, qui rompt avec la tradition, cause une protestation générale. Bientôt, les hommes eux-mêmes manifestent pour que les modèles soient nus pour tous et toutes!
C’est finalement la solution retenue. Grâce à cette absence de distinction, les femmes peuvent briller dans tous les concours. En 1911, Lucienne Heuvelmans est ainsi la première lauréate du prestigieux prix de Rome.
"La nudité c’est la vérité, c’est la beauté, c’est l’art". Isadora Duncan
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À partir de demain, les compteurs sont remis à zéro, et le concours reprend. Bonne chance à vous !
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