Chana Orloff dans son atelier rue d’Assas, 1915. Photo : Ateliers-musée Chana Orloff, Paris
Paris, 1911. Dans l’atelier d’un sculpteur, une visite est en cours. L’artiste, sûr de lui, expose son travail à un petit groupe d’étudiants en art. Parmi eux, une certaine Chana Orloff ne montre pas vraiment la déférence attendue. En fait, elle trouve l’homme si prétentieux qu’elle ne peut pas s'empêcher de lui rire au nez ! Piqué au vif, celui-ci la défie : "Sculpte, si c’est si facile", dit-il en lui jetant une boule de glaise dans les mains.
Mais plutôt que de battre en retraite, Chana Orloff le prend au mot et travaille la matière toute la nuit. À l’aube, elle revient déposer devant l’artiste un portrait de sa grand-mère, inspiré d’une photo de famille. Le sculpteur inspecte le résultat en silence avant de prononcer des mots inattendus… "C’est bien, tu dois continuer" !
Photo de famille de Chana Orloff à Odessa, au départ pour la Palestine en 1905
Pourtant, rien ne prédestinait la jeune fille à cette pratique. Quelques années plus tôt, celle qui est née sous le nom de Hana Orloff a un objectif bien différent : étudier la couture.
Issue d’une fratrie de neuf enfants, elle quitte donc à vingt-deux ans sa famille et la Palestine pour Paris.
Devenue étudiante aux Arts Décoratifs en même temps qu’apprentie dans une maison de couture, voilà comment elle rencontre par chance le médium qui deviendra le sien. Car le portrait de sa grand-mère marque le début d’une longue carrière pour Chana Orloff.
Au sein d’un groupe d’artistes étrangers qu’on surnommera l’École de Paris, elle développe un style bien à elle. Avec des formes simples et rondes, elle représente desfigures de femmes, d’enfants, d'animaux.
L’ancienne étudiante en couture produit bientôt des centaines d’œuvres, devenant l’une dessculptrices les plus appréciées de sa génération. Comme quoi, une vocation peut naître d’une provocation !