Où l’on découvre que c’est dans les vieux tombeaux qu’on fait les meilleurs mélanges.
L'Européenne (détail), 100-150, découvert à Antinoé, 42 x 24 cm, peinture à l'encaustique et dorure sur cèdre, Musée du Louvre, Paris
1887, Égypte. Le Britannique Flinders Petrie se rend dans la région du Fayoum avec une idée en tête : découvrir des tombeaux de pharaons encore inviolés et donc... remplis d’or ! Mais l’ambitieux archéologue doit revoir ses prétentions à la baisse. Sur place, c'est un cimetière datant de l’époque romaine qu'il met au jour. Sa déception est toutefois de courte durée.
En effet, à mesure les tombes sont ouvertes, l’égyptologue et son équipe mettent au jour un trésor qui surpasse leurs attentes… De sublimes portraits colorés et dorés, peints sur de fines planches de bois, les attendent là, placés sur le visage des momies, au-dessus des bandelettes. Grâce au climat sec de la zone, ils sont extrêmement bien conservés!
Flinders Petrie est tout de suite hypnotisé par leurs regards très expressifs qui donnent l’impression qu’ils sont encore vivants. Et pour cause, ces portraits de défunts ont été peints avec beaucoup de réalisme.
C’est d’ailleurs ce qui intrigue le plus les archéologues, plutôt habitués aux masques funéraires très idéalisés du troisième siècle avant notre ère. Ici les modèles, issus de l’aristocratie égyptienne, sont peints de trois quarts. Leurs vêtements et leurs bijoux permettent de distinguer leur niveau de richesse.
Masque funéraire du pharaon Psousennès 1er, environ 1 000 av. J-C, or incrusté de lapis-lazuli et de verre noir et blanc. Photo : Larazoni, CC 2.0
Ces portraits mélangent en fait deux traditions : si leur usage suit les rites funéraires de l’Égypte antique, leur réalisme est typique de l’art romain.
Voilà pourquoi ils sont si exceptionnels dans l’histoire de l’art ! Ils permettent d’observer le mélange des cultures qui eut lieu lors de l’occupation romaine du pays, au 1er siècle.
Au total, ce sont une soixantaine d’œuvres qui sont découvertes sur le site, puis des milliers un peu partout en Égypte. Et s’il n’est pas le premier archéologue à en dénicher, Flinders Petrie est le premier à les étudier et à faire connaître ces "portraits du Fayoum" partout dans le monde !
Portrait d'un garçon nommé Eutychès (détail), vers 100-150, encaustique et peinture sur bois, 38 x 19 cm, Metropolitan Museum of Art, New York
Portraits du Fayoum, 1er siècle, encaustique, peinture et dorures sur bois. Localisation (de gauche à droite) : Metropolitan Museum of Art, New York ; Liebieghaus, Francfort-sur-le-Main et Collections nationales d'Antiquités, Munich
"Leurs yeux sont les veilleuses de la vie éternelle." André Malraux au sujet des portraits du Fayoum