Jules Senis Mir, Jardin Rosa Mir, 1958-1983, Lyon. Photo : Virginie via Une vie à Lyon
Années 1950, Lyon. Catastrophe : le maçon Jules Senis Mir apprend qu’il est atteint d’un cancer de la gorge… C’est une nouvelle épreuve terrible pour l’anarchiste espagnol, arrivé en France après avoir fui la dictature de Franco.
Jules Senis Mir, Jardin Rosa Mir, 1958-1983, Lyon. Photo : DR
Luttant contre ce diagnostic qui semble le condamner, Jules Senis Mir fait un vœu : si par miracle il en réchappe, il créera un magnifique jardin en hommage à sa mère restée en Espagne.
Et justement, son souhait est exaucé ! Après sa guérison, le maçon et carreleur se met donc au travail et imagine un espace vert très particulier dans son quartier de la Croix-Rousse.
Sur quatre cents mètres carrés, juste derrière son immeuble, Senis conçoit petit à petit un extraordinaire jardin d’inspiration espagnole. L’artisan recouvre les murs de petites pierres, de coquillages, de roses des sables et même de coquilles d’escargot !
Jules Senis Mir, Jardin Rosa Mir, 1958-1983, Lyon. Photos : DR (gauche), Didier Branche (droite)
Ces matériaux sont glanés un peu partout : il ramasse des cailloux sur des chantiers, récupère des huîtres auprès de restaurateurs, ou demande à ses amis de rapporter des souvenirs de leurs voyages à l’étranger.
Sans obéir à un plan préconçu, il décore l’espace avec une patience infinie, alignant des dizaines de milliers de coquilles Saint-Jacques et de palourdes.
Cette ornementation minérale rappelle le travail d’Antoni Gaudí… Eh oui, cet architecte catalan raffole lui aussi des pierres, qu’il agence pour créer des motifs ou des formes. Bien sûr, qui dit jardin dit végétaux ! Senis plante ensuite rosiers, lavandes et herbes odorantes dans le jardin qu’il appelle Rosa Mir, d’après le nom de sa mère.
Antoni Gaudí, Viaduc du Parc Güell, Barcelone, 1900-1908. Photo : DR
Jules Senis Mir, Jardin Rosa Mir, 1958-1983, Lyon. Photo : Virginie via Une vie à Lyon
Après vingt cinq ans de travail acharné, l’artisan apprend avec soulagement que la ville de Lyon a décidé de lui racheter sa propriété. Elle ne sera donc pas condamnée à tomber en décrépitude !
L’espace, classé monument historique puis restauré dans les années 2010, peut d’ailleurs encore être visité aujourd’hui. Notre maçon devenu jardinier aura définitivement tenu sa promesse !
“Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l'éternité.”
Gilles Clément