Où l’on assiste à la naissance d’une (v)raie passion.
Olga Rozanova, La Raie verte, 1917,
huile sur toile, 71 x 49 cm, anciennement collection Costakis, Kremlin de Rostov, Rostov Veliki
1946, Moscou. Georges Costakis, employé d’ambassade, a de grands projets. Son souhait le plus cher, c’est de constituer sa propre collection d’art. À force de rencontrer de riches diplomates, il a commencé à s’intéresser à la peinture du 17e siècle. Puisqu’elle n’est pas coûteuse en Russie, pourquoi ne pas s’en procurer ?
Mais cette année-là, il tombe nez à nez avec un tableau qui bouleverse ses plans...
Cette œuvre, c’estLa Raie verte d’Olga Rozanova. Sur un fond blanc, l’artiste russe a tracé une seule ligne de couleur verte. En 1917, quand elle l’a réalisée, les codes artistiques traditionnels sont remis en cause dans toute l’Europe. Les peintres russes, en particulier, vont très loin dans les représentations abstraites. Olga Rozanova est au cœur de cette avant-garde.
Georges Costakis a un énorme coup de cœur ! Abandonnant son idée d’origine, il se met à collectionner sans relâche les tableaux de Rozanova.
Puis il s’intéresse au reste de l’avant-garde russe. À l’époque, leurs noms sont oubliés. Leurs œuvres ont en effet été bannies par le pouvoir soviétique qui les déteste. Costakis doit enquêter pour les retrouver dans les greniers ou les caves.
Il a beau avoir la réputation d’accumuler des "vieilleries sans valeur", il ne se démonte pas ! Puisqu’il peut acheter ces tableaux méprisés pour une bouchée de pain, Costakis acquiert des lots entiers pendant des décennies. Cela lui permet de réunir des milliers d’œuvres de 58 artistes différents.
Olga Rozanova, Chez le barbier, huile sur toile, 71 x 53 cm, anciennement collection Costakis, Galerie Tretiakov, Moscou
Ce travail de longue haleine finit par sortir de l’ombre. Beaucoup de ces peintres radicaux gagnent ainsi une reconnaissance internationale ! Costakis, lui, termine ses jours en Grèce, entouré d’une partie de sa collection et surtout de La Raie verte...
"J’ai rapporté le tableau dans mon appartement et j’ai réalisé que j’avais vécu jusque-là avec des fenêtres fermées." Georges Costakis