Où l’on rencontre deux gardiens de trésor au physique étonnant.
Entrée de Nikkō Tōshō-gū (sanctuaire shinto de la ville de Nikkō, Japon), construit en 1617, agrandi en 1648. Photo : 663highland, CC BY SA 4.0
Ryuei Momota, Portrait de Kanō Tan’yū, vers 1670, estampe, 66 x 48 cm, Kyoto National Museum
Japon, 1635. Le peintre et sculpteur Kanō Tan’yū reçoit une commande prestigieuse : décorer un bâtiment sacré près de la ville de Nikkō. A priori, pas de quoi poser de problème à cet artiste renommé... mais cette mission va se révéler plus compliquée que prévu !
L’artiste est chargé de travailler au cœur d’un sanctuaire exceptionnel. Bâti quelques années plus tôt en l’honneur d’un grand seigneur, le lieu contient de nombreux bâtiments colorés richement ornés. Or, en 1635, le sanctuaire est en plein agrandissement et de nombreux artisans sont appelés à y travailler. Dans ce chantier, Kanō Tan’yū est plus spécialement chargé d’orner l’entrepôt en bois où sont conservés les trésors du sanctuaire.
Il entreprend ainsi un minutieux travail, habillant notamment la façade de deux sculptures d’éléphants. Le résultat est assez étrange ! Les deux bestioles poilues, l’une noire, l’autre grise, aux griffes et aux trompes brillantes, se détachent du fond doré avec un air menaçant. Celle de gauche, qui semble se préparer à sauter sur sa proie, secoue ses trois queues.
Kanō Tan’yū, éléphants ornant la salle aux trésors du sanctuaire
Détail de l'éléphant de droite. Photo : Fred Cherrygardan via Atlas Obscura
Si ces éléphants ont une telle allure, c’est que Kanō Tan’yū a eu quelques soucis pour représenter ces pachydermes. Selon la légende, il n’en avait jamais vu de sa vie! Il s’est donc basé sur des histoires et des descriptions écrites de ces animaux.
Mais pourquoi choisir des éléphants comme gardiens du trésor et se compliquer autant la tâche ?
Si l’artiste n’a pas laissé d’explications, la raison est sans doute cachée dans l’écriture de la langue japonaise. Effectivement, le caractère pour "entrepôt" et celui pour "éléphant" sont lus et prononcés de la même façon. Kanō Tan’yū aurait donc voulu faire un jeu de mots à travers ses sculptures…
En tout cas, ces éléphants dits "imaginaires" font toujours la fierté du Japon. Ils sont même classés, avec de nombreux bâtiments du sanctuaire, au patrimoine mondial de l’Unesco!
Sanctuaire en 1870. À droite, la salle aux trésors ornée par les éléphants de Kanō Tan’yū
"N'éteins pas ton inspiration et ton imagination, ne deviens pas l’esclave de ton modèle." Vincent van Gogh
En savoir plus
Gargouille éléphant de Nikkō Tōshō-gū. Photo : Fred Cherrygardan via Atlas Obscura