Vitrail de Notre-Dame de Paris en restauration. Photo : Département de l’Aube – Corentin Péchiné
1935. Douze verriers de renom se préparent pour l’Exposition internationale de Paris qui aura lieu deux ans plus tard. Ces artistes, qui comptent dans leurs rangs Paul Louzier, Jacques Le Chevallier ou encore Valentine Reyre, voient les choses en grand ! Ils espèrent que les vitraux réalisés pour l’occasion pourront habiller la cathédrale Notre-Dame…
Il faut dire que les vitreries qui décorent les baies hautes de sa nef ne sont guère appréciées. Cesgrisailles, réalisées par Viollet-le-Duc et les restaurateurs au milieu du 19e siècle, diffusent une lumière blafarde. Les vitraux colorés du Moyen Âge ont, eux, disparu dès le 18e siècle.
Nos artistes ambitieux veulent donc rendre des couleurs à la cathédrale, et redorer l’image de leur savoir-faire par la même occasion ! Ensemble, ils proposent des maquettes de verrières à la commission des monuments historiques. Chaque artiste est responsable d’un vitrail et représente les versets du Credo et des saints avec son propre style.
Valentine Reyre, Sainte Foy de Conques (détail), vers 1937, Paris, DRAC Île-de-France. Photo : Flavie Serrière Vincent-Petit
Oui mais voilà, c’était sans compter sur l’avis d’une partie du public. Au moment d’installer les vitraux, certains s’insurgent face à l’introduction du vitrail moderne dans un édifice historique. Leurs arguments ? L’entreprise manquerait d’harmonie et se ferait au détriment de grisailles en bon état. En bref, ces vitraux auraient leur place dans un édifice contemporain, et non dans un monument ancien comme Notre-Dame.
D’autres, à l’inverse, défendent mordicus les œuvres : une cathédrale vivante doit bénéficier de l'apport de chaque siècle et donc accueillir l’art religieux contemporain! Finalement, après une longue querelle qui passionne les Parisiens, la commission accepte le projet.
Mais il faut croire que nos douze verriers sont maudits. Avec la menace de la guerre en 1939, les vitraux sont déposés et mis à l’abri dans les tribunes de Notre-Dame. Et le projet ne renaîtra jamais de ses cendres. Il faudra attendre les années1960 pour que l'un des douze artistes, Jacques Le Chevallier, remplace enfin les grisailles par des verrières abstraites et colorées... bien loin du projet initial!
"L’essentiel est qu’une parure nouvelle est offerte à Notre-Dame (...) et qu’elle y met de la lumière et de la vie". Maurice Denis, en défense du projet
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Ces vitraux modernes, cachés pendant des décennies dans la cathédrale, sortent enfin de l’oubli ! C’est à la Cité du Vitrail à Troyes qu’ils sont rassemblés et présentés pour la première fois depuis 1939.
La passionnante exposition Notre-Dame de Paris : la querelle des vitraux retrace justement cette histoire méconnue à l’aide de documents inédits. Mais le clou du spectacle, ce sont les vitraux eux-mêmes qui ont retrouvé leurs couleurs vives grâce à une restauration exceptionnelle.
De quoi en prendre plein les yeux en attendant la réouverture prochaine de Notre-Dame ! Pour venir les admirer, c’est à partir du 22 juin 2024 à Troyes.