Où l’on fait la rencontre d’un peintre qui nous ment.
Jacob de Wit, Esquisse pour une décoration de plafond, Flore et Zéphyr, 1743, huile sur toile, 53 x 63 cm, Metropolitan Museum of Art
Début du 18e siècle, Anvers. Un jeune homme est plongé dans la reproduction à l’aquarelle du plafond d’une église, réalisé par le célèbre peintre Rubens. Ce dessinateur novice, c’est Jacob de Wit: il a fait spécialement le déplacement pour étudier le style du vieux maître flamand!
Et son travail assidu finit par payer... Vers 1715, le jeune artiste rentre chez lui à Amsterdam, certain de pouvoir faire carrière. Le voilà sollicité par les pouvoirs publics et la bonne société hollandaise pour décorer les intérieurs des maisons. Bientôt, son carnet de commandes déborde, tout le monde se l’arrache.
La raison de ce succès ? C’est qu’il a une spécialité étonnante : le trompe-l’œil. Il s’agit d’une peinture (en deux dimensions, donc) qui trompe le regard du spectateur en lui donnant l’illusiond’être un véritable objet que l'on pourrait toucher.
Jacob de Wit, L'Hiver, 1740, huile sur toile, 101 x 98 cm, Rijksmuseum, Amsterdam
En l’occurrence, on raffole tout particulièrement des grisailles de Jacob de Wit : ces tableaux en camaïeu de gris donnent, par la virtuosité du pinceau, l’impression d’être... des sculptures en marbre!
Clin d’œil à Rubens, Jacob de Wit apprécie les scènes peuplées deputti, des petits enfants charmants qui étaient déjà très présents dans les toiles du vieux peintre. Ces compositions sont ensuite insérées sur les hauts de porte et de cheminée.
Preuve de sa renommée, ses grisailles gagnent vite le surnom de "witjes", d’après le nom de Jacob et le terme "wit" ("blanc" en néerlandais), avant de voyager dans toute l’Europe. Elles ont ainsi inspiré beaucoup d’autres artistes, jusqu’au peintre belge Sauvage, grand spécialiste du genre.
Celui qui a débuté sa carrière en faisant des copies de Rubens a donc lui aussi eu nombre de suiveurs...
Piat Sauvage, Putti du temple de Bacchus, Putti se disputant une flèche, fin du 18e siècle, huile sur panneau en grisaille, 56 x 45 cm, collection privée
"Combien d'hommes profondément distraits pénétrèrent dans des trompe-l'œil et ne sont pas revenus". Jean Cocteau
En savoir plus
Attention les yeux ! Le trompe-l’œil s’expose en ce moment au musée Marmottan Monet à Paris. Plus de 80 œuvres étonnantes (et venues du monde entier) retracent la longue histoire de ce genre dans l’exposition Letrompe-l’œil, de 1520 à nos jours.
De quoi explorer les différents thèmes du trompe-l’œil (des grisailles aux natures mortes), mais aussi ses déclinaisons dans le mobilier ou encore sa portée politique… le tout en jouant avec notre regard et nos perceptions.
Alors, ces œuvres arriveront-elles à vous tromper ? Pour le savoir, rendez-vous au musée Marmottan Monet avant le 2 mars 2025 !