Fin des années 1960.André Malraux, alors ministre des Affaires Culturelles, s’inquiète du décès prochain d’artistes majeurs comme Picasso et Chagall, qui ne sont plus tout jeunes. Que feront leurs descendants des immenses collections dont ils vont hériter ? Malraux craint qu’ils ne cherchent à les vendre pour s’acquitter des droits de succession, cet impôt prélevé sur la transmission du patrimoine... Dans ce cas, des œuvres inestimables risquent d’être cédées à des acheteurs étrangers et de quitter le pays !
Mais le ministre a plus d’un tour dans son sac : il imagine un nouveau système, celui de la dation en paiement. Késako ? Il s’agit de permettre à des personnes de payer certains impôts (comme les droits de succession) en cédant des œuvres d’art ou des objets de haute valeur à l’État.
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Bien sûr, tout cela est dûment contrôlé : le contribuable, souvent en manque de liquidités, commence par déposer une offre de dation auprès de l’administration des impôts. Une commission, aidée par des conservateurs de musée, l’examine, estime la valeur de l’objet proposé et donne ensuite son avis. L’agrément final revient au ministre de l’Économie. Si on prend tant de précautions, c’est qu’il faut vérifier si l’œuvre mérite vraiment d'entrer dans les collections nationales : l’État doit aussi être gagnant ! Ainsi, seule une offre sur deux en moyenne est acceptée.
Malgré sa complexité, le système imaginé par Malraux est une vraie réussite, tant et si bien qu’il est rapidement imité à l’étranger ! Il faut dire qu’il permet d’acquérir des chefs-d’œuvre que les musées auraient bien du mal à acheter sur le marché de l’art.
Roger Pic, Portrait d'André Malraux, 1974, Bibliothèque nationale de France, Paris
Grâce à la dation, les collections françaises ont ainsi accueilli des objets aussi divers qu’une toile de Vermeer, un service à thé du 18e siècle, les archives d’un couple de vulcanologues, les Krafft... et, bien sûr, les œuvres de la succession Picasso, si nombreuses qu’elles ont permis d’ouvrir un musée entièrement consacré à l’artiste à Paris !
À gauche : Claude Monet, Sur la falaise de Dieppe, 1897, acquis par dation en paiement par le Musée d'Orsay en 2023. À droite : Johannes Vermeer, L'Astronome, 1668, acquis par dation en paiement par le Musée du Louvre en 1982
"Les œuvres d’art doivent avoir autant de gardiens qu’il y a de bons citoyens." L’abbé Grégoire
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Attribué à Pierre Gouthière, Pot-pourri en forme de monument à l'antique ayant appartenu à Marie-Thérèse Geoffrin, vers 1770, acquis par dation en paiement par le Musée du Louvre en 2020