1356, guerre de Cent ans. La France est en fâcheuse posture : les ennemis anglais viennent de capturer le roi Jean le Bon lors de la bataille de Poitiers. Pour le royaume, c’est une catastrophe non seulement politique mais aussi... économique !
En effet, les Anglais réclament une énorme rançon en échange de l’illustre prisonnier. Les Français doivent s’acquitter d’une somme de 3 millions d’écus. Comment payer ?
Le roi, libéré provisoirement contre la promesse de trouver l’argent, se démène pour remplir les caisses du royaume. Il marie sa fille à un riche seigneur, fait fondre sa vaisselle d’or, mais cela ne suffit pas. Il n’a pas le choix : il faut établir de nouvelles taxes.
Pour s’assurer de la coopération de ses sujets, déjà échaudés par la guerre, le roi décide de leur accorder une contrepartie : la création d’une monnaie stable.
Anonyme, Portrait de Jean II le Bon, 1350-1375, détrempe, plâtre et or sur bois de chêne et toile, 60 x 45 cm, Musée du Louvre, Paris
Eh oui, jusqu’alors, la monarchie utilise la monnaie comme une ressource personnelle. Au gré des besoins, on réalise des dévaluations en série, en mettant, par exemple, moins de métal précieux dans une pièce... sans en changer sa valeur officielle ! Cela permet de frapper plus de pièces, mais appauvrit la population qui a (littéralement) moins d’or ou d’argent en poche.
Illustration : Aurora Muggianu, Artips Éco
Avec sa nouvelle monnaie, Jean s’engage à renoncer à ces dévaluations. Et tant qu’à faire, autant qu’elle efface l’humiliation de la défaite : le souverain figure sur les pièces en guerrier et désigné par le titre de "Roi des Francs".
Voilà sans doute pourquoi cette monnaie est surnommée... le franc !
Franc à cheval représentant Jean II le Bon, 1360. Photo : Bibliothèque nationale de France, Paris
Le roi Jean II le Bon retourne se livrer au roi d'Angleterre, tiré de Grandes chroniques de France de Charles V, Bibliothèque nationale de France, Paris
Hélas, ces mesures ne suffisent pas. Incapable de payer sa rançon, le roi finit par se livrer aux Anglais, avant de mourir en captivité. Les Français ne paieront donc jamais l’intégralité de la somme.
Quant au franc créé par Jean, il disparaît assez vite. Mais son nom va rester dans les mémoires, si bien qu’il désignera la monnaie française jusqu’à l’arrivée de l’euro !
"Les nerfs des batailles sont les pécunes." François Rabelais