Où l’on fait la guerre aux cadences de production.
Usines Delahaye, Presse à emboutir les ébauches d'obus, vers 1917. Photo : Archives nationales du monde du travail, 2014 39 2
Couverture d’un album de photographies de la société d'automobiles Delahaye. Photo : Archives nationales du monde du travail, 2014 39 2
Mai 1917, Première Guerre mondiale. Dans les usines qui fabriquent des obus, les machines ne tournent plus, tout est à l’arrêt... Les ouvrières, que l’on surnomme les "munitionnettes", ont stoppé le travail. Que se passe-t-il ?
Elles sont en grève ! Il faut dire que la colère gronde depuis plusieurs années dans les usines, où les femmes ont remplacé les hommes partis au front. Eh oui, la productivité prime en période de guerre : la réglementation du travail a donc été suspendue dès les premières semaines du conflit.
Finie la journée de 10heures, oubliée l’interdiction du travail de nuit pour les femmes enceintes et les enfants. Les munitionnettes travaillent dans des conditions particulièrement difficiles : debout pendant 12 à 14 heures, elles subissent des cadences infernales.
Pire encore, l’exposition aux produits explosifs cause de nombreux accidents, les intoxique et jaunit leur peau et leurs cheveux. Et tout ça pour un salaire très inférieur à celui des hommes...
Usines Delahaye, Femme tourneuse sur tour parallèle à tourner les ceintures, vers 1917. Photo : Archives nationales du monde du travail, 2014 39 2
Comptage du nombre de femmes employées dans les ateliers de construction des usines et mines de Decazeville, 1916. Photo : Archives nationales du monde du travail, 110 AQ 41 Cliquez sur l'image pour découvrir le document en entier
Pour Albert Thomas, le sous-secrétaire d’État à l’Artillerie, il faut réagir au plus vite ! Il a bien tenté de prendre les devants, en vain : les industriels ont ignoré ses demandes. Résultat, le voilà qui doit faire face à des mouvements de grève dans divers secteurs, des ouvrières du textile jusqu’à nos fameuses munitionnettes.
Pour pouvoir continuer à envoyer des armes sur le front, pas le choix : il faut céder aux demandes des munitionnettes.
Grève des couturières à Paris dans le quartier de la Grange-aux-Belles, réunion du 18 mai 1917. Photo : Bibliothèque nationale de France, Paris, Agence Rol
Société L'Éclairage Électrique, usine de Suresnes, 21 octobre 1915. Photo : Archives nationales du monde du travail, PI 41 1
Albert Thomas oblige donc les patrons à leur accorder desaugmentations de salaire, de meilleures conditions de sécurité et au moins un jour de repos par semaine. Des crèches ouvrent même dans les usines pour les mères.
C’est donc une victoire éclatante pour les intrépides munitionnettes ! Hélas, celles-ci n’auront jamais la reconnaissance qu’elles méritent pour leur combat : au lendemain de l’armistice, elles seront sommées de quitter leur poste et de retourner au foyer...
Usine d'emboutissage d'obus d'Ivry, amorçage du cassage au chalumeau oxyacétylénique, 1914-1918. Photo : Archives nationales du monde du travail, 2014 39 3
"Il n’y a plus de droit ouvrier, plus de lois sociales, il n’y a plus que la guerre." Alexandre Millerand (ministre de la Guerre en 1915)
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Cliquez pour découvrir l'exposition Travailler en temps de guerre: 14-18/39-45
Quelle part les femmes ont-elles eue dans l'industrie de l'armement ? Comment la guerre a-t-elle fait entrer les engrais chimiques dans l’agriculture ? Pourquoi l'entreprise Maggi a-t-elle été accusée à tort d’espionnage ?
À travers des documents d’époque, on y explore l’histoire du travail en temps de guerre. De quoi mieux comprendre en quoi ces moments ont eu un impact durable...