Avis de prohibition des cépages américains édité par le Ministère de l'Agriculture, décembre 1956, date à laquelle l'interdiction est toujours en vigueur
Réveillon de Noël 1934, France. Une mauvaise surprise attend les agriculteurs qui cultivent certaines variétés de vigne. Six cépages sont désormais prohibés par la loi ! Elles donneraient de mauvais vin et pourraient même rendre fou à cause de leur teneur en méthanol, un alcool toxique à forte dose… Pourtant, on sait aujourd’hui qu’elles n’en contiennent pas plus que d’autres vins. Alors, où cette interdiction prend-elle réellement racine ?
Anonyme, gravure satirique d'un Phylloxera, publiée dans The Punch vers 1890
Nommés Clinton, Noah, Isabelle, Jacquez, Othello et Herbemont, ces cépages américains arrivent dans l’hexagone à la fin du 19e siècle. À l’époque, la vigne française est en grave danger… Un minuscule puceron d’un ou deux millimètres, le phylloxera, se propage, tuant les plants sur son chemin. En 30 ans, 60 % des hectares nationaux se sont volatilisés ! Une solution s’impose : importer des variétés américaines résistantes à ce nuisible, et les croiser avec les Françaises. Ces cépages hybrides poussent bientôt un peu partout sur le territoire.
Cépage américain Isabelle. Photo : Reporterre, DR
Mais dans les années 1930, la surproduction menace à son tour. Le gouvernement veut réguler la production et voit d’un mauvais œil ces variétés hybrides que les agriculteurs cultivent pour leur propre consommation. On critique leur goût acide, qu’on considère bien inférieur aux cépages français traditionnels comme les chardonnays, merlots ou cabernets. Par-dessus le marché, ces plants robustes nécessitent bien moins de traitements chimiques. De quoi contrarier une industrie en plein essor !
Illustration : Artips
Assemblage de cépages interdits, Association des cépages oubliés. Photo : Les Clos de Miège, DR
Tout cela donne mauvaise presse à ces nouveaux-venus, soupçonnés d’être toxiques, qu’on interdit officiellement. Les paysans sont contraints d’arracher leurs plants sous peine d’amende et ces cépages hybrides disparaissent presque totalement du territoire. Aujourd’hui, ils sont de nouveau tolérés et suscitent l'intérêt : et si ces cépages moins gourmands en pesticides devenaient l’une des solutions pour préserver l’environnement ? Nous en sommes encore très loin, mais voyons le verre à moitié plein !
"Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage." Proverbe français
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