1940. Dans une actualité internationale bouillante, le nouveau film de Charlie Chaplin fait un carton !
Le Dictateur est une attaque virulente contre le nazisme : le réalisateur y interprète deux rôles, celui d’un dictateur sosie de Hitler et celui d’un barbier juif persécuté. Chaplin, qui est décidément partout, compose aussi l’intégralité de la bande sonore... ou presque.
Affiche originale du Dictateur, 1940. Photo : DR
Le Dictateur de Charlie Chaplin, 1940 (capture d'écran)
En effet, deux séquences sont accompagnées d’extraits de musique classique.
Bien sûr, Chaplin ne laisse rien au hasard ! Ainsi, dans la première scène, le dictateur s’amuse avec une mappemonde sur une partition de Wagner. Un clin d’œil intentionnel puisque Wagner n’est autre que le compositeur préféré de Hitler et il est alors vu comme le symbole de la grandeur allemande.
Cliquez pour voir l'extrait Scène du rasage, Le Dictateur de Charlie Chaplin, 1940 (vidéo)
Mais pour comprendre le choix de la deuxième scène, il faut creuser un peu plus. On y voit le barbier juif raser un client en écoutant la Danse hongroisen°5 de Brahms à la radio. Chaplin déploie tout son talent comique : le rasage devient une vraie chorégraphie, plus ou moins rapide selon les changements de tempo.
Or le compositeur autrichien a adapté ses Danses hongroisesdes airs traditionnels tziganes entendus durant ses voyages en Europe de l’Est. Ceux-ci alternent entre des moments lents et nostalgiques et des moments plus rapides et joyeux.
Alors, pourquoi Brahms pour cette séquence ? La Danse hongroise n°5, considérée comme un classique du répertoire germanique mais née ailleurs, devient ici le symbole du métissage et de la tolérance.
Rendant hommage au peuple tzigane, cette musique colle bien au personnage du barbier positif et ouvert d’esprit.
Cliquez pour écouter un air tzigane Vidéo : Csárdás Rhapsody (les Csárdás sont des danses hongroises, jouées par les Tziganes et qui ont inspiré Brahms), interprété par Sándor Lakatos & His Gipsy Band. Photo : DR
Anonyme, Portrait de Johannes Brahms, 1853. Photo : Robert Schumann Haus Zwickau
En tout cas, la scène devient immédiatement culte... au point de relancer l’intérêt du public pour un Brahms quelque peu oublié.
Les Danses hongroises seront d’ailleurs utilisées dans d’autres films par la suite, jusqu’à devenir l’un des airs les plus connus du répertoire classique. Merci Chaplin !
"Chaplin cherche toujours à dénicher chaque fausse note dans le film ou la musique." Meredith Willson, arrangeur musical de Chaplin
En savoir plus
Pour suivre le rythme sautillant de ces Danses hongroises, direction La Seine Musicale ! Le chef Mathieu Herzog raconte les secrets du chef-d’œuvre de Brahms dans un concert ludique et pédagogique le samedi 18 novembre.
Avec son orchestre Appassionato, il donnera toutes les clés pour mieux comprendre les intentions du compositeur, et dévoilera des anecdotes croustillantes... comme les raisons pour lesquelles ces danses sont devenues si populaires.
Restez à l’affût ! Mathieu Herzog revient tout au long de l’année au cours du cycle "Vous trouvez ça classique ?". Les tubes de Rachmaninov, Debussy, Mozart et Ravel passeront à leur tour sous la baguette du passionnant chef d’orchestre!