Anonyme, La femme du sans-culotte, vers 1792, estampe, Musée Carnavalet, Paris
1868. Le journaliste français Jean-Baptiste Clément n’a pas sa langue dans sa poche ! Voilà déjà plusieurs années qu’il écrit des articles et des chansons socialistes qui appellent à une révolution populaire, comme Le Temps des cerises. Et il ne compte pas s’arrêter là…
Clément a justement une nouvelle idée : s’inspirer d’un air qu’il connaît bien et que sa grand-mère lui fredonnait quand il était enfant, La Carmagnole. Il faut dire que cette chanson composée en 1792, en pleine Révolution française, a tout pour lui plaire : devenue hymne des sans-culottes (les révolutionnaires), elle s’est propagée dans toute la France. Ses paroles attaquent directement le roi, accusé de bloquer les changements par son droit de veto, et la noblesse, soupçonnée d’accaparer le pain.
À gauche : Nadar, Portrait de Jean-Baptiste Clément, 1900. Photo : Bibliothèque nationale de France, Paris À droite : Pierre-Louis Pierson, Portrait de Napoléon III, 1869. Photo : Library of Congress
Jean-Baptiste Clément décide de reprendre la mélodie mais de mettre la chanson au goût du jour. Son œuvre sera cette fois dirigée contre l’empereur Napoléon III : c’est Dansons la capucine.
Avec cette nouvelle version, Clément garde l'esprit révolutionnaire et satirique de l'originale mais critique les fortes inégalités économiques de la France du Second Empire. Ainsi, l’auteur souligne la pauvreté du peuple qui manque de pain et de bois, volés, selon lui, par les curés, les "gros fermiers" et l’Empereur en personne !
Pour Clément, il n’y a qu’une solution : "Courez et vengez-vous".
Cliquez pour découvrir les premiers couplets Jean-Baptiste Clément, Dansons la Capucine, Vieille Chanson Rajeunie, 1885, Bassereau. Photo : Bibliothèque nationale de France, Paris
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Lucienne Vernay et les Quatre Barbus, Rondes et Chansons de France N°2, vers 1955, inclus Dansons la capucine. Photo : Encyclopédisque
Mais avec le temps, Dansons la capucine s’est transformée... pour envahir les cours de récréation! Désormais considérée comme une comptine enfantine à danser en ronde, elle a perdu ses paroles les plus virulentes même si la riche voisine continue d'en prendre pour son grade: "Y a du plaisir chez nous, on pleure chez la voisine, on rit toujours chez nous".
Ainsi, plus d’un siècle plus tard, la chanson de Jean-Baptiste Clément continue de dénoncer les injustices! Et qui sait, peut-être que nos charmants bambins conspirent en fait contre les grands de ce monde?
"Les révolutions marchent sur des ventres vides". Proverbe anglais