Déportées à
Ravensbrück, 1939, auteur anonyme,
Archives fédérales
allemandes
1944,
dans le camp nazi de
Ravensbrück. Germaine Tillion se cache dans
une caisse d’emballage.
Déportée un an plus tôt
pour faits de résistance,
l’ethnologue est une
"Verfügbar"(littéralement
"disponible"), chargée des
corvées les plus pénibles.
Mais en ce mois d’octobre, Germaine
Tillion parvient à échapper au
travail en se dissimulant plusieurs jours
grâce à l’aide de ses
camarades.
Elle en profite pour écrire en
secret sur du papier volé...
Ce qu’elle rédige ? De
manière inattendue dans ces
circonstances,
une sorte d’opérette,
inspirée des comédies musicales
et des revues de music-hall.
Ce Verfügbar aux enfers,
conçu avec ses codétenues, raconte leurs terribles conditions de
vie. Mais le ton y est toujours
grinçant ! Avec un humour
très noir, un chœur de femmes
déportées raconte leur
détresse, leurs espoirs et leur
solidarité, sous le regard d'un
pseudo-conférencier
"naturaliste".
Le but
de Germaine Tillion, c’est
d’abord de
divertir ses camarades qui
n’ont pas le moral. Elle en est
persuadée : "Voir son propre
malheur à distance permet de mieux
lui résister". Mieux encore,
le rire permet de lutter contre
l’angoisse.
Carte d'étudiante de Germaine
Tillion, 1934
Ça vient de la cuisine,
chanson publicitaire pour la
Chicorée Williot,
interprétée par Marcel Dumont
en 1932, dont l'air est repris par
Tillion dans son opérette
Évidemment,
il n’est pas question de monter
la pièce...
Le manuscrit de l’opérette
circule
de main en main, dans le plus grand
secret. À chacune, lors de sa lecture
silencieuse, de s’imaginer le
spectacle et de chanter dans sa
tête.
Pour les parties
musicales, Tillion a donc fait au plus
simple :
pas de partition, elle et ses
codétenues préfèrent
détourner des airs populaires, comme des extraits d’opéra,
de chansons de variétés et
même des slogans publicitaires.
Seules leurs paroles sont
modifiées !
Manuscrit du Verfügbar aux enfers, Musée de la Résistance et
de la Déportation de Besançon
L’œuvre, inachevée,
sera sauvée lors de la
Libération
en 1945. Mais Tillion, qui a survécu,
ne cherche pas à la publier :
elle craint l’incompréhension
du public. Il faut attendre
les années 2000 pour la
première édition.
Cette œuvre
déchirante prouve pourtant que la
musique permet de résister et de
rester humain, même dans des
conditions infernales...
Air de
Ça vient de la cuisine sur
la mélodie de la chanson
publicitaire, issu de Verfügbar aux enfers de Germaine Tillion et
interprété au
théâtre du Châtelet en
2007 (capture d'écran)