Planeurs produits par Steinway and Sons. Photo : Steinway and Sons Photo Collection
Début 1942, États-Unis. L’entreprise Steinway, connue pour ses fabuleux pianos, a stoppé sa production. En pleine Seconde Guerre mondiale, elle n’a plus accès aux matériaux nécessaires et doit surtout répondre aux besoins du gouvernement. Son usine new-yorkaise fabrique désormais des pièces pour avions ainsi que des cercueils.
Mais l’armée décide de lui passer une commande spéciale...
En effet, elle souhaite acquérir des pianos spécialement pour ses soldats ! Ces instruments seraient envoyés sur tous les théâtres de conflit pour soutenir le moral des troupes. Le président de la Steinway, dont les quatre fils sont mobilisés, accepte immédiatement. Mais pour répondre à la demande, il faut inventer de nouveaux pianos particulièrement robustes : ils doivent résister au parachutage et à un usage en extérieur.
Un orchestre de l'armée dans les Philippines, avec un piano dit Victory Vertical. Photo : Steinway and Sons Photo Collection
Special Service Unit autour d'un piano dit Victory Vertical, 1943. Photo : Steinway and Sons Photo Collection
C’est le vice-président de l'entreprise, Paul Henry Bilhuber, qui se charge d’imaginer l’instrument. Sa forme très simple s’explique par des raisons pratiques : les pieds comme les roulettes sont supprimés, la table d’harmonie est vissée. Les matériaux utilisés sont durables : l’ivoire des touches, qui risque de s’écailler sous des climats tropicaux, est donc remplacé par du celluloïd blanc. Le tout est traité avec une solution spéciale anti-insectes et les éléments joints par une colle résistant à l’humidité.
Pianos dits Victory Verticals produits par Steinway and Sons, 1942-1944. Photo : Steinway and Sons Photo Collection
Piano dit Victory Vertical en caisse avant parachutage, 1942-1944. Photo : Steinway and Sons Photo Collection
Enfin, le piano de 200 kilos, muni de poignées pour être facilement transporté, est peint d’une couleur de camouflage.
Dès juin 1942, les premiers instruments sont prêts et sont largués par des bombardiers dans des caisses de transport spéciales. Celles-ci contiennent aussi des outils d’accordage, des pièces détachées et même des partitions allant d’airs de boogie-woogie (un sous-genre du blues) à des hymnes religieux !
Le chanteur Benjamin DeLoache devant un Victory Vertical encore en caisse, 1942-1944. Photo : Steinway and Sons Photo Collection
Ainsi, près de 2500 Victory Verticals ("pianos de la victoire") se sont retrouvés en Europe, en Afrique du Nord et dans le Pacifique pour être utilisés par les soldats. Et leurs témoignages sont unanimes : la musique a permis de leur apporter de la joie et du réconfort au cœur de l’enfer de la guerre...
"Nous avons eu beaucoup de plaisir après le repas lorsque nous nous sommes rassemblés autour du piano pour chanter. Je me suis endormi en souriant." Lettre d’un soldat américain à sa mère, mai 1943
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Victory Vertical restauré par la maison Piano Hanlet, Vélizy. Photo : actu. fr