Constance Mayer, Portrait de Gioachino Rossini, 1820, huile sur toile, collection Musée international et bibliothèque de la musique, Bologne
1816, Rome. À vingt-trois ans, le compositeur Gioacchino Rossini a déjà un joli palmarès de seize opéras, et s’apprête à en créer un nouveau.
Et c’est une réussite : en à peine trois semaines, le jeune homme a achevé Le Barbier de Séville !
Tout est prêt pour la création de l’œuvre dans l’un des principaux théâtres de la ville. Mais cette première prend une tournure tragi-comique... Le rideau se lève en effet face à une assemblée dont une partie est déjà hostile à Rossini, par fidélité à un rival !
Salle du Teatro Argentina, Rome, où a été joué pour la première fois Le Barbier de Séville de Beaumarchais, composé par Rossini
Cet opéra buffa (c’est-à-dire comique), tiré d’une pièce de l’écrivain français Beaumarchais, a en effet déjà été mis en musique par Giovanni Paisiello,un autre compositeur italien très apprécié. Rossini a beau avoir rendu hommage à son prédécesseur dans le livret de l’opéra, certains spectateurs ont choisi leur camp…
Pour ne rien arranger, le spectacle se mue bientôt en une succession de couacs et de problèmes techniques.
Des récits rocambolesques décrivent un ténor qui casse une corde d’une guitare désaccordée, récoltant les sifflets des spectateurs ; un autre chanteur qui s’écroule et finit le nez en sang sur scène… Cerise sur le gâteau, un chat fait une apparition surprise sur scène, incitant le public hilare à miauler !
Émile Bayard, Le public du théâtre des "Bouffes parisiens", vers 1860, caricature, Paris
Maria Callas chantant “Una voce poco fa,air de Rosine”, extrait du Barbier de Séville, 1958, INA
Au milieu de ce chaos, difficile de prêter une oreille attentive à la musique. Et pourtant, sa qualité est indéniable.
Rossini y donne la part belle au bel canto (beau chant), une spécificité de l’opéra italien qui consiste à privilégier la virtuosité vocale à la narration. Dans le Barbier, les vocalises des personnages rivalisent ainsi de complexité.
Heureusement, cette première désastreuse n’aura pas d’incidence sur le devenir de la pièce qui, dès sa deuxième représentation, se transforme en un succès durable. Le Barbier de Séville compte d’ailleurs aujourd’hui parmi les opéras les plus renommés au monde. Le fiasco s’est transformé en une success story !
Le Barbier de Séville, 1972, Théâtre du Capitole, Toulouse. Photo : Collection Archives municipales de Toulouse, André Cros CC BY-SA 4.0
“Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer.” Figaro, dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais