Où l’on rencontre des marins qui manquent de péter un câble.
Robert Charles Dudley, Le H.M.S. Agamemnon pose le câble télégraphique de l'Atlantique en 1858: une baleine traverse la ligne, 1858, dessin, 17,7 × 25 cm, The Metropolitan Museum of Art, New York
29 juillet 1858, au milieu de l'Atlantique. Deux navires se sont fixé un curieux rendez-vous à mi-chemin entre l'Irlande et le Canada. Dans leurs soutes, des milliers de kilomètres de fil électrique…
Pas de temps à perdre : les deux fils sont connectés, puis les bateaux partent dans des directions opposées. Une semaine plus tard, chaque équipage a rejoint la terre ferme avec son bout de câble : la première liaison télégraphique entre l’Europe et l’Amérique est établie !
Carte de la route du câble de l'Atlantique, 1858, extraite du livre : Howe's Adventures & Achievements of Americans, 1858
La bonne nouvelle, c’est que ce câble fonctionne à merveille : il permet d’envoyer des signaux électriques sur plus de trois mille kilomètres... sous l’eau. Les lettres des messages sont converties en morse (une succession de signaux longs ou courts) puis déchiffrées par le destinataire. Un sacré gain de temps pour le courrier !
Si cette prouesse est possible, c’est grâce à la gutta-percha, une gomme naturellement isolante qui ressemble au caoutchouc.
Appliquée autour du fil de cuivre du câble, elle protège le signal électrique au cours de son marathon transatlantique.
Robert Charles Dudley, Les bobines de fil conducteur recouvert de gutta-percha..., 1865–1866, dessin, 16,3 × 24,3 cm, The Metropolitan Museum of Art, New York
La mauvaise nouvelle, c’est que, trois semaines après sa mise en service, le câble devient muet comme une carpe… Il faut dire que notre couche isolante a un talon d’Achille : elle résiste mal à la lumière. Et malheureusement, les gigantesques bobines ont été stockées dans des hangars à l’obscurité discutable.
C’est la goutte de trop pour les investisseurs qui ont déjà essuyé de multiples échecs : il faudra attendre huit ans pour qu'une nouvelle ligne soit enfin posée, cette fois pour de bon.
Morceau du premier câble sous marin transatlantique, présenté par Charles Goodsall lors de son enlèvement en mai 1953
Et aujourd’hui, ce rififi filaire, c’est fini ? Eh non ! Certes, c’est de la lumière qu’on envoie via nos câbles sous-marins modernes et non plus de l’électricité, mais le principe reste le même. Ainsi, 99 % du trafic Internet intercontinental emprunte encore ce chemin subaquatique, bien plus rapide que les liaisons par satellite !
"Le jour est proche où les fils télégraphiques seront posés dans les foyers, comme l'eau ou le gaz, et où les amis pourront discuter sans sortir de chez eux." Alexander Graham Bell, 1876