2017, États-Unis. Au téléphone avec un collègue australien, le biologiste Mark Ritter s’enthousiasme : "Chez toi aussi il penche ? Ah bon, vers le Nord ?!"
Ritter discute alors du pin colonnaire, un arbre originaire de Nouvelle-Calédonie. Emblématique de ce paysage, il est très reconnaissable car il pousse tout droit, comme une grande colonne. Enfin… pas toujours justement. En dehors de son lieu d’origine, rien ne va plus.
Dans l’hémisphère nord, il penche vers le sud, et inversement… D’ailleurs, plus il est éloigné de l’équateur, plus il penche !
Pins colonnaires à l'université de Californie, Irvine campus. Photo : Mark Ritter, DR
Arbre redressé grâce au gravitropisme négatif. Photo : Mathieu Rodriguez, CC BY-SA 3.0
C’est ce qu’a remarqué Ritter en observant un pin planté en Californie, et qu’il a pu confirmer en comparant plusieurs centaines de pins autour du globe. Chez un arbre, ce phénomène est tout à fait unique.
En effet, plusieurs éléments ont un impact sur le "tropisme", c’est-à-dire sur la façon dont la plante bouge en réaction à un stimulus. D’une part, un arbre pousse vers le haut, dans la direction opposée à la gravité : c’est le gravitropisme négatif. Ainsi, même si un arbre pousse sur un sol incliné, il se dressera de manière à pousser à la verticale.
D’autre part, comme un arbre a besoin de lumière, il va s’orienter de façon à optimiser sa captation. On parle de phototropisme positif. Ce phénomène est frappant chez les plantes d’intérieur, dont la tige peut fortement se plier vers la fenêtre pour chercher la lumière.
Enfin, des facteurs externes comme le vent influencent l’inclinaison de l’arbre. Soumis à de forts vents, par exemple sur la côte, les végétaux vont se courber : c’est l’"anémomorphose".
Schéma : aquaportail.com
Arbres anémomorphosés à Pointe-Allègre, Guadeloupe. Photo : Gwada Botanica
Dans le cas du pin colonnaire, d’autres facteurs doivent jouer, car aucun n’explique sa mystérieuse tendance à pencher vers l’équateur… Peut-être l’arbre est-il sensible au champ magnétique ?
D’autres scientifiques avancent qu’il pourrait optimiser la lumière par rapport à la course du soleil, ou encore qu’il s’agirait d’une anomalie génétique. La science attend que quelqu’un se penche… sur ce problème !
Pins colonnaires de Nouvelle-Calédonie. Photo : David Stanley, CC BY 2.0
"La plus belle chose que nous puissions expérimenter est le mystérieux. C’est la source de tout véritable art et science." Albert Einstein