Où l’on rencontre un sculpteur aux multiples visages.
Vienne, 1793. Une foule de curieux se presse dans une exposition publique. Tous viennent observer des œuvres étranges et inquiétantes : des dizaines de bustes grimaçants, créés par un sculpteur réputé fou !
Franz Xaver Messerschmidt, Têtes de caractère, 1771–1783, plomb. Photo : DR
Franz Xaver Messerschmidt, Portrait de l'impératrice Marie-Thérèse, 1760, bronze doré, 90 x 75 x 53 cm, collection du Belvédère, Vienne. Photo : DR
L’artiste, Franz Xaver Messerschmidt, n’a pourtant pas habitué la haute société viennoise à ce type d’œuvres. Au contraire, il s’est fait connaître avec des portraits où ses modèles sont plutôt à leur avantage. Le sculpteur a même eu des commanditaires prestigieux, comme la reine Marie-Thérèse d’Autriche.
Mais les œuvres que le public vient ici admirer sont d’un tout autre style. Plus d’une cinquantaine d’autoportraits réalisés par Messerschmidt sont présentés, arborant d'effroyables rictus. Ces "têtes de caractère" sont très loin de ce qui se fait alors en sculpture... Quelle mouche l’a piqué ?
Franz Xaver Messerschmidt, Tête de caractère n°9, 1781, albâtre, Wien Museum, Karlsplaz. Photo : Sailko, CC BY 3.0
Une vingtaine d’années plus tôt, dans les années 1770, sa prestigieuse carrière bascule. On lui refuse un poste de professeur et les commandes se font rares. Il faut dire que l’artiste est malade : sa santé mentale inquiète. Peu à peu privé de revenus, il quitte Vienne et travaille à ses étonnantes figures, qui seraient tirées de son propre ressenti.
Un visiteur de passage raconte en effet que le sculpteur est victime d’hallucinations qui le forcent à se pincer très fort pour garder la tête sur les épaules.
Ce sont ses mimiques de douleur qui auraient inspiré l’artiste… Mais représenter des grimaces n'est pas une mince affaire. Et de là à en faire toute une série, il faut un peu de culot. Quel que soit le contexte de création, le sens donné par l’artiste à ces têtes garde une part de mystère.
Exposés seulement après la mort de l'artiste, ce sont ces surprenants visages qui le rendent célèbre aujourd'hui, bien plus que ses portraits de têtes couronnées !
Franz Xaver Messerschmidt, Tête de caractère n°21, 1781, albâtre. Photo : Getty's Open Content Program
"Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace." Proverbe